39 - Pataarpanga petit pompier (suite)
Les histoires de petits pompiers qui éteignent des incendies toujours plus gros qu’eux m’avaient laissé de mauvais et très douloureux souvenirs(1). La dernière fois, ce n’était qu’une vendeuse de benga et j’ai failli finir mes jours dans un fauteuil roulant.
Je suis certain que cette fois je finirai valet de chambre de Dieu si je m’amusais à pomper quoi que ce soit sur cette luxueuse dame, qui sentait l’or depuis l’extrême bout de son cheveu jusqu’à la terminaison de son ongle d’orteil.
Je fis donc un deuxième bond en arrière. Je braquai à droite le volant qui commandait mes jambes et m’apprêtai à appuyer de toutes mes forces sur l’accélérateur.
Ma cervelle commanda à mon pied qui stoppa net. Juste un verre et du bavardage ? Pourquoi pas ! Cela ne me fera pas de mal, après tout, me suis-je dit.
Et me voilà l’instant d’après assis dans la belle « caisse » de ma … prétendante. L’intérieur du véhicule me laissa bouche-bée. Je ne savais pas qu’on pouvait avoir envie de dormir dans une voiture.
Elle me dit :
J’enclenchai : « On a la rage dans le cœur, jamais le ventre rempli de peur et plus le droit à l’erreur inchAllah, inchallah inch’Allah ! » de Douni Yam.
Le véhicule se mit à vibrer et je m’imprégnai de cette chanson qui donne espoir et tonus à tous ceux qui souffrent dans ce pays, se débattent avec les tentacules blessants de la galère, de la maladie, du chômage, etc. En cet instant précis, j’oubliai tout.
C’est ma conductrice qui me ramena sur terre.
Je regardai par la vitre. Ce que je vis me coupa le souffle.
Joli nom.
Va-t-elle enfin me laisser parler !
Elle descendit. J’en fis de même. Le bruit que le véhicule fit pour montrer à sa propriétaire qu’il s’est automatiquement verrouillé me fit sursauter. Elle rit.
Elle avait quand même un joli rire : des lèvres bien dessinées et des dents d’une blancheur de clair de lune dans le ciel d’un village nettoyé par une pluie bienfaisante.
J’entrai dans un endroit que me fit lever les yeux. Je marchai comme sur des œufs. Je m’assis comme sur du feu. Bref, je me sentais comme un veau dans une colonie de singes, déplacé.
Même si une oreille indiscrète saisissait ce « chéri », son propriétaire se dirait que c’est une gentille mère qui est sortie avec son gentil petit gros bébé pour lui payer une grosse glace chocolatée, histoire d’accélérer sa croissance.
Cette peau de « gentil petit gros bébé » m’irrita et me révolta au plus haut point.
Elle rit et commanda quelque chose.
Je me retrouvai l’instant plus tard avec un verre rempli d’un liquide dont je ne connaissais ni le nom ni la composition.
Elle me tendit un chèque. Le chiffre que j’y lis me laissa bouche-bée : trois fois mon FONER. Je lui retournai le chèque.
Elle rit encore, fouilla son sac et me tendit quelque chose sous la table. Je me baissai. Le nombre des billets soigneusement empaquetés me fit trembler. Je les empochai.
Et me revoilà dans la voiture de la femme dont je ne connaissais ni le nom de jeune fille ni celui de son mari.
Car, c’est certain qu’une telle dame ne puisse pas déambuler dans les rues de Ouaga sans avoir de mari. Et des enfants aussi. Qui sont peut-être plus âgés que moi et qui se feraient un plaisir de ne pas vouloir me traiter comme leur…beau-papa, mais comme un petit chenapan qui en voulait à la jupe de leur maman adorée.
Je restai silencieux.
Charmant !
Soudain, je me figeai. Il y avait un problème. Un très sérieux problème. Et ce maudit problème devint une multitude de points d’interrogations qui se mirent à danser dans ma tête.
Ils n’interrompirent pas leur farandole quand j’entrai avec Prisca dans la spacieuse et belle chambre d’hôtel. Bien au contraire : ils montèrent les décibels. Que faire ? Que faire ?
La dame s’approcha de moi et m’embrassa. Je restai comme de la glace.
(1) Cf. épisode 19 : « Pataarpanga a une amoureuse »