Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

1-Mon premier jour au campus

 

Enfin, ce n’est pas trop tôt ! Ils commençaient à me gonfler un peu la tête avec leurs airs d’étudiants ! Je parle de ces aînés qui revenaient pendant les congés se pavaner dans mon lycée en disant qu’ils viennent du campus. Le campus !

 

Un mot magique qui nous faisait tous rêver, élèves en classe de terminale dans une profonde province du pays. Un mot également qui faisait accourir toutes les filles vers ceux qui en étaient les pensionnaires. J’avais donc hâte de fouler le sol de ce paradis.

 

Pas pour me pavaner comme un paon devant les jeunes demoiselles au sourire éclatant. Mais surtout parce qu’il représentait le terreau de l’élite de la nation. Le centre des cerveaux les plus cultivés du pays. J’avais hâte donc d’avoir dans ma poche la clé de la porte de ce temple : le BAC. Je l’ai.

 

Je m’inscris. 

 

Et voici le premier jour de cours. Toutes mes aventures ont commencé ce jour-là. Je me suis levé à 5h ce matin-là et pris la route de l’université à 6h. J’étais si excité que je brûlai trois feux tricolores. Au quatrième, je continuai ma route à pied, un policier ayant eu la gentillesse de me délester de ma bicyclette.

 

Qu’à cela ne tienne ! J’arriverai au campus ! J’arrivai en effet,  à 7h10. Je gravis avec appréhension l’escalier car au lycée, un retard de 10mn te faisait rester admirer les oiseaux qui voltigeaient dans le ciel. Je me dis que j’allais essayer de feinter le prof. Mais dès que j’entrai, le prof ne remarqua même pas ma présence.

 

Et pour cause : la salle ressemblait à un champs de têtes noires qui s’étalait à perte de vue. Le prof, tout au bout, ne ressemblait qu’à un point noir. Il ne m’a donc pas vu. Je m’apprêtais à chercher une chaise pour m’asseoir lorsque mon pied buta sur quelque chose de dur.

 

Emporté par mon élan, je fis une pirouette et me voilà à terre, une jambe étalée à la manière d’un tapis sur l’épaule  d’un étudiant qui me jeta un venimeux et hargneux : djoula (1) (Injure d’utilisation courante sur tous les campus de Ouaga et qui veut tout dire, sauf quelque chose de bon !)

 

Comme une boule de neige, le « djoula »fut repris par plusieurs bouches dans la salle. Et cela créa un tintamarre qui dura une bonne minute avant que le calme ne revint. Je me relevai tant bien que mal et ramassai mon sac tandis que mon vis-à-vis me demandait :


-          Comment t’appelles-tu ?

-          Pataarpanga ! fis-je d’un air fier.

-          Tu avais les yeux dans ton ventre ou quoi ?

-          …

-          Allez, ôte tes fesses de ma vue et va les poser quelque part.

Je regardai où je pouvais poser mes fesses. Pas de chaise libre. Je me résignai. Mes fesses entrèrent en contact avec la dure dalle de la salle. Je ne voyais plus le prof. Je ne voyais que des jambes. Le cours commença.

-          Notez ! dit le prof.


Je posai la pointe de  mon stylo sur le papier que j’avais étalé sur mes jambes, faute de table. J’écrivis trois mots, puis deux, puis un. Puis… rien du tout. Pendant deux minutes. Je n’entendais plus rien. Le prof débitait et empilait les phrases à une allure à faire péter les plombs ! Je jetai un coup d’œil chez mon voisin : son papier ressemblait à une tête atteinte de la teigne : des phrases  ponctuées de trous, parfois sans début, des fois sans fin.

 

Je poussai un soupir et regardai le plafond de l’amphithéâtre : C’est ça le campus ? Je résolus d’écouter ce que le prof disait, renonçant à écrire. Celui sur lequel j’avais culbuté me demanda :


-          Comment t’appelles-tu ?

-          Pataarpanga !

-          Eh bien, tu es mal barré !


Trois heures plus tard, le prof rangeait ses affaires. Je me levai et pointai mon doigt vers le plafond. Voyant que le prof ne m’avait pas remarqué, je me mis à  créer : « moi ! moi, monsieur ! » Tous les yeux qui remplissaient salle se retournèrent vers moi. Le prof parla enfin dans le micro : « Oui, vous ! »


-          Monsieur, fis-je de toute la force de mes poumons, je n’ai pas compris…

 

-          Monsieur, m’interrompit le micro, ceci est un cours magistral. Merci !


Et le prof s’en alla. Un gros rire secoua toute la salle. Mais il s’en trouva des étudiants qui protestèrent contre la réponse du prof. Mon ami culbuté me demanda encore, un sourire moqueur aux lèvres :


-          Tu es nouveau ?

-          Oui, dis-je.

-          Tu viens de la province ?

-          Oui !

-          Tu t’appelles Pataarpanga ?

-          Oui !

-          Eh bien, bienvenue dans la galère

 

 A suivre...

 

Abdou ZOURE



04/10/2010
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