Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

26. Etudiant escroc !


Je pinçai Soulby et lui  montrai le verso du livre. Soulby mit une main sur la bouche.


- Euh, monsieur, excusez-moi ! Ce n’est pas ce que je voulais dire !

- Que celui qui a écrit ce bouquin est con ? Pourtant, vous me l’avez confirmé !


Soulby jetait des regards sur le monsieur et sur la sortie du kiosque. Le propriétaire de ce dernier commençait à trembler. Sandrine se mordillait un ongle. Moi, …je ne sais plus !  En tout cas, j’étais mal à l’aise. Je regardai Sandrine. Je pris à l’instant même la ferme résolution de désormais naviguer le plus loin possible de ses côtes.


Mais en attendant, il fallait gérer ce problème dans lequel Soulby et sa bouche sans frein  ni garde-boue nous avaient plongés jusqu’au cou. Et il nous enfonça le menton et la bouche avec cette phrase :


- Si je savais que vous étiez à côté…

- Vous n’alliez pas dire que j’étais un con ! termina le monsieur qui se révèle être l’auteur du livre que Sandrine photocopiait allègrement et que Soulby a trouvé la charmante idée de traiter de « con » !

- Non, ce n’est pas ce que je voulais dire… euh… je…, balbutia encore Soulby.


Le monsieur sortit un téléphone de sa poche.


- Bien, dit-il. Vous allez rester là pendant que j’appelle le BBDA et la gendarmerie ! On va régler ça entre gens civilisés !


Il porta son téléphone à  son oreille.

On se regarda. On regarda le monsieur, qui  nous a tourné le dos, et la porte du kiosque.  Depuis quand une proie s’est laissée dévorer alors qu’elle peut détaler ?


Certainement pas nous ! Les « hey » et les « revenez ici » de l’écrivain ne nous empêchèrent pas de prendre nos motos et de filer à … la Ouagalaise ! Après avoir slalomé dans les ruelles, les « gloglos » et les rues de Zogona, on se retrouva devant le RU Bengué. Qu’est-ce que vous voulez ? Au campus, « ventre vide n’a point le luxe d’oublier le RU ! »


Nous vînmes donc allonger le déjà long rang qui s’alignait devant le RU. Il était 17h. Le RU ouvrait   à 18h. On se mit à bavarder. Sans oublier cependant de jeter de temps à autre un coup d’œil par-dessus notre épaule. On ne sait jamais. Au cas où notre écrivain se lancerait dans une chasse à l’homme tenace…


C’est alors qu’un jeune homme m’accosta.


- Bonjour, mon frère ! me dit-il.

- Bonjour mon cher ! Si c’est pour intégrer, laisse tomber ! Je me sens pas l’humeur d’un Kadhafi ce soir !

- Non,  ce n’est pas ça ! En fait, je suis démuni. Je  suis sans ressource ici à Ouaga. Je n’ai pas eu le FONER. Ils ont fait la magouille. Donc, là où je suis là, je n’ai même pas « togo » même !

- Togo ? Toi aussi, est-ce que tu penses que tu peux avoir le Togo ? Tu es sûr que Faure Gnassingbé va accepter ?

- Eh, mon vieux, faut pas te moquer de moi ! Toi tu sais pas que « togo » c’est 100 francs !

- Ah toi au moins ! Là où je suis là, je n’ai même pas « Ouaga » wooo, n’en parlons pas de « Lomé » !

- Ah, frère, faut pas parler comme ça !

- Bon, ok ; tu me veux quoi ?

Il s’approcha un peu plus de moi et murmura.

- Je veux savoir si tu ne peux pas me dépanner avec un ticket je vais calmer mon ventre ! Je suis moisi, vrai vrai là !


Je voulus l’envoyer valdinguer ailleurs. Mais un regard sur sa lettre de motivation me remua le cœur. Ses cheveux n’enviaient rien à ceux des rastas, la seule différence étant que les siens ne doivent pas leur état à ses convictions religieuses. Sa chemise élimée était dans un état qui ferait le bonheur d’opposants politiques s’il était appliqué à un dépouillement de bulletins de vote : la transparence. La taille de son pantalon jouait sur ses hanches tandis que leur bas était déchiré et d’une couleur différente du reste du tissu. Quant à  ses pieds…

Ses yeux implorants  forcèrent ma main à lui donner un ticket RU.

- Tu es mignon et tu as grand cœur, minauda Sandrine à mon oreille.

- Plutôt un con, oui ! grogna Soulby.

- Eh, arrête un peu avec ce mot ! Il nous a déjà causé beaucoup d’ennuis comme ça !


On réussit  à manger vers 20h et chacun prit sa route. Enfin, pas tous. Parce que Sandrine et moi, on a eu une petite causerie. Je vous fais un petit résumé :

- Et si on repartait à zéro ? demanda Sandrine.

- Mais tu sais que je ne suis pas riche comme tes… Désiré indésirables-là !

- Oh, arrête ! Tu sais bien  que c’était une plaisanterie !

- Bon , ok. Mais promets-moi de ne plus me quitter sans crier gare !

- Promets-moi aussi de ne plus tourner autour des jupes de ma tante !

- Ah, tu sais bien que c’était…euh, que c’était Soulby !

- Ça va ! Allez, mon chou, embra…


Le reste ne vous regardant pas, continuons !


Trois jours plus tard, alors que j’étais dans ma salle de composition, me préparant à attaquer la dernière épreuve du Congrès, je crus voir une apparition.


Mon « frère » du RU Bengué venait d’apparaître devant moi ! Mais, il n’avait rien à voir avec mon « frère » du RU Bengué ! Loin de là…


A suivre….


ZOURE



13/05/2012
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