24. Grossesse des .... Désiré
- De quelle affaire urgente s’agit-il ? demandai-je encore à Soulby.
- Euh, suis-moi, me dit-il.
Je montai sur l’arrière-train de sa moto qui gémit bruyamment comme si elle allait rendre l’âme à l’instant même. Mais elle réussit à nous conduire devant la chambre de Soulby où je découvris qui ? Sandrine ! L’adrénaline monta brutalement dans mes veines et mes artères, me remémorant du même coup un certain coup de poing reçu un certain soir à cause d’une foutue femme mariée(1).
Mon regard se retourna tel un tyrannosaure en furie vers Soulby.
-Qu’est-ce qu’elle fait ici, chez toi ? demandai-je, me contenant à peine.
- Euh, du calme, mon cher ! La situation est assez compliquée comme ça pour que tu en rajoutes avec ta colère !
- A cause de cette fille, j’ai failli mourir !
- Il faut dire qu’on ne peut pas trop l’en blâmer ! Tu draguais sa mère !
- Mais qu’est-ce qu’elle fait ici !
- Entrons d’abord. On trouvera bien une réponse à toutes ces questions.
On entra. Sandrine et moi, on se salua du bout des lèvres, les mâchoires crispées et les yeux lançant des éclairs. Soulby s’assit au milieu de nous deux.
- Bien, dit-il. Je pense que ce n’est pas la peine de faire les présentations ! C’est un pas de gagné. Maintenant, passons aux choses sérieuses. Pataar, Sandrine est enceinte !
Le silence se mit à vrombir et à tousser comme un monomoteur de 1903(2) dans le minuscule salon-chambre-cuisine-salle à manger de Soulby.
- Et en quoi ça me regarde ? demandai-je.
Pour moi, en effet, cela ne me regardait pas parce que je ne savais pas à quoi ressemblaient les trésors du jardin secret de Sandrine. Elle n’a été ma copine que pour la forme et durant la période qu’il faudrait pour regarder passer une étoile filante.
-Alors, qu’est-ce que je fais ici ? demandai-je à nouveau.
Soudain, des grelots tintèrent dans ma tête et je vis rouge.
- Soulby, tu ne vas quand même pas me dire que tu…
- Que je quoi ? demanda Soulby.
- Que vous …
- Que nous, quoi ? s’entêta Soulby.
- Tu ne vas pas me dire que tu as couché avec mon ex-copine !
Cette fois-ci, c’est la voix d’un Airbus A 380(3) que le silence utilisa pour marquer sa présence parmi nous. L’électricité s’invita aussi dans l’atmosphère. On se regarda pendant un bon moment. Puis Soulby fit taire le quadriréacteur :
- Je savais que le boilo avait détraqué tes neurones, mais là, je suis sidéré !
Sandrine pouffa de rire. J’eus brusquement l’impression que j’avais poussé des cornes et qu’on se moquait de ma gueule. La colère monta d’un cran dans mon cœur. Je bondis sur Soulby. La bataille s’engagea.
David contre Goliath. Sauf que David ici, c’était moi et apparemment, Dieu avait d’autres chats à fouetter que de m’aider, car Soulby me terrassa en un temps record. Un genou sur ma poitrine et mes bras neutralisés, Soulby m’apostropha :
- Triple idiot ! Tu penses que je suis vil à ce point ? Si toi et Sandrine, vous ne vous entendez plus, celle-ci et moi sommes restés bons amis !
- Malgré la raclée qu’elle nous a fait donner ?
- Je te répète que c’était son droit ! Bon, écoute-moi maintenant, tête de mule ! Sandrine est venue nous raconter son problème. Nous allons l’écouter calmement et essayer de lui trouver des solutions.
Après m’avoir libéré, on s’assit. Je boudais quand même. Sandrine commença.
- En fait, je voulais vous expliquer mon problème car je n’avais personne d’autre à qui m’adresser à part vous. Je dois vous avouer que je n’ai pas mené une vie exemplaire jusque-là. C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté avec toi, Pataarpanga.
Je dressai les oreilles. Cela devenait intéressant !
- Qu’est-ce que tu entends par une vie non exemplaire ? demanda Soulby.
- Je suis orpheline de père et de mère depuis mes 10 ans. Ce fut donc pour moi la classique histoire de l’orpheline maltraitée. Quand j’ai obtenu mon BAC, je suis venue à Ouaga, chez une tante, m’inscrire ici au campus. Je n’ai donc pas de mère. Celle que vous preniez pour ma mère est en réalité, ma tante.
- Et le gus qui nous a zigouillés, demandai-je, grinçant des dents.
- C’est l’un des…euh, des « petits pompiers » de ma tante !
Soulby éclata de rire.
- Donc, si je comprends bien, nous avons été tabassés par un autre petit pompier !
Mon regard venimeux brida le rire de Soulby. Sandrine continua son histoire.
- Ma tante est démunie.
- Mais elle ne se prive pas de « petits pompiers », grinçai-je encore.
Sandrine continua sans prêter attention.
- Mon FONER sert donc à nourrir la cour. C’est alors que Désiré m’a fait la cour. Il est riche, mais il est marié. Au début, j’ai refusé. Mais il a conquis ma tante qu’il comblait de cadeaux. Mes copines me dirent aussi d’accepter parce qu’il pourrait subvenir à mes soucis financiers. Finalement, j’ai accepté. Quelques mois plus tard, j’ai rencontré un autre Désiré.
- Hié, fit Soulby.
- Lui aussi était plein aux as. Il m’a fait la cour. J’ai joué le jeu et j’ai accepté !
- Ah ba ! Toi aussi ! Fis-je.
- Laisse-la continuer !
- C’est alors que je t’ai rencontré !
- Ouais, et je n’étais pas riche, voilà pourquoi je n’étais ni un Désiré ni désiré ! dis-je encore.
- Mais vas-tu la laisser poursuivre, oui ! S’insurgea Soulby.
- Je t’aimais, toi, Pataarpanga.
Je faillis rougir. Mais mon teint noir m’en empêcha.
- Mais je continuai avec les deux Désiré. Et je suis tombée enceinte !
- Des deux ?demandai-je.
- Je ne sais pas, dit Sandrine en secouant la tête.
- Et que veux-tu que nous fassions dans cette affaire ? questionnai-je.
- Pataarpanga, je veux que tu m’épouses !
ZOURE
1- Lire le 22e épisode des aventures de Pataarpanga (« Sandrine réapparaît »)
2- Le 17 décembre 1903, les frères Wright ont fait voler le premier avion à moteur
3- L'Airbus A380 est un avion de ligne civil très gros-porteur long-courrier quadriréacteur à double pont produit par Airbus