18-Pataarpanga, détective privé (dernière partie)
Nous avions à peine formulé cette pensée que notre demoiselle apparaissait et fonçait vers le bâtiment. Soulby et moi nous mîmes à sa poursuite. Malgré les « hey », les « ho », les « demoiselle » et « pssiiiit » essayés par nos deux bouches, la demoiselle s’engouffra dans le bâtiment devant la porte duquel nous freinâmes des quatre fers.
- On dirait que la demoiselle nous a oubliés, constatai-je en tirant de la langue.
- Que le monde est ingrat, déclara Soulby.
- On attend qu’elle sorte !
- Non ! On appelle le commissaire ! Je suis certain que cette étudiante a eu le pétrole avec le prof et elle revient le remercier !
- Euh, appeler le commissaire c’est bien mais est-ce que tu as des unités dans ton portable ?
- Oui !
Soulby a formulé ce « oui » en pianotant sur son téléphone portable qu’il porta à son oreille pour aussitôt le ramener dans sa poche.
- Quoi ? dis-je. Il est injoignable ?
- Non.
- Mais pour…
- Je l’ai bipé !
- ?
- J’ai juste 1,5 F CFA dans ce phone, voilà !
Le portable de Soulby se mit à brailler. Il décrocha.
- Allô ! commissaire ! Oui, c’est nous ! Nous ? Euh, ce sont les deux jeunes détectives privés ! Voilà ! Non, c’était juste pour vous indiquer que nous avons levé un lièvre, que nous l’avons poursuivi jusqu’à son dernier retranchement et il ne manque plus que votre gourdin légal pour l’assommer ! Un inspecteur ? Dans dix minutes ? Ok, c’est cool … Je veux dire, opérationnel !
Soulby raccroche et me saute au cou.
- C’est dans le sac ! Les renforts arrivent !
Une dizaine de minutes plus tard, deux policiers débarquèrent dans une vieille « Peugeot bâche » tout fumante. Nous allons à leur rencontre pour expliquer de quoi il s’agit. Soulby exposa si bien le « dossier » que les policiers firent tinter leurs menottes de contentement. On monta au bureau du prof.
- Encore vous ? fut le mot de bienvenu qu’il nous adressa et qui se transforma en « bonne arrivée » lorsque ses yeux virent les casquettes des policiers et finit par « que puis-je pour vous ? »
- Ces messieurs, dit le plus gradé des policiers, détectives privés de leur état (nous levâmes fièrement la tête comme des coqs), nous disent que vous donnez des notes sexuelles à vos étudiantes. Nous sommes passés vérifier la véracité de ces faits à vous reprochés. Est-ce vrai ?
Le prof jeta un coup d’œil sur la « demoiselle », qui était assise jambes pliées l’une sur l’autre dans une chaise en face du bureau du prof.
- Je pense que c’est aux avocats accusateurs de prouver ce qu’ils disent, dit-il tranquillement.
Soulby s’éclaircit la voix et prit la parole.
- Cette demoiselle que vous voyez est étudiante avec nous dans la même promotion. Nous avons vu son reflet il y a deux jours dans ce bureau en train d’être embrassé par un homme.
- Qui était embrassé ? Le reflet ou la demoiselle ? demanda le prof.
- Les deux ! Dit Soulby qui continua. Nous retrouvons la même demoiselle qui nous soumet un sujet qui nous sera soumis lors de notre devoir aujourd’hui même et la voilà ici encore, trônant comme si c’était chez elle ! Quelle autre preuve voulez-vous pour déclarer monsieur ci-présent coupable de transmission de notes sexuelles ?
- Que répondez-vous, demanda le policier au prof.
- La permission d’appeler deux personnes !
- Sûrement votre avocat et votre femme ! devina Soulby.
- Le recteur et son adjoint !
- Hein ? avons-nous fait (moi et Soulby).
Il appela. Après un quart d’heure que nous passâmes à nous jeter de drôles de regards, le premier responsable de l’université et son adjoint firent leur entrée.
- Je vous présente le recteur de ce campus et son adjoint, fit le prof. Ce dernier est le fiancé de cette dernière.
Son doigt pointa la « demoiselle » qui fit un bond vers le monsieur « adjoint » en disant « oh mon amour », pendant que l’autre répondait « ah, mon cœur » ! Ils tombèrent dans les bras l’un et de l’autre et Joe Dassin entra dans la salle : « Et si ce soir on dansait le millième slow ? Un peu de tendresse au milieu du discours ! »
Ces monsieur et « demoiselle » nous oublièrent donc pendant que le prof continuait son speech :
- L’adjoint du recteur est mon neveu et il est tombé fou amoureux de mon assistante qu’il aime à embrasser fougueusement dans mon bureau. Chose que monsieur le recteur confirmera dans l’instant.
- Effectivement, mon adjoint me parle à longueur de journée de cette chère personne et je ne peux que me montrer tolérant envers le neveu de mon ancêtre par le sang de mon arrière-grand-mère !
Soulby et moi, on se regarda. On venait de perdre notre latin, notre français et le bout de notre enquête dans cette histoire. Voilà pourquoi on a commencé par faire un repli stratégique vers la sortie.
- Détectives privés d’égouts, quels sont vos noms et prénoms pour que je vous réserve un traitement de…
Le reste de cette question resta coincée dans le bureau que nous avons déserté aussi rapidement que nous permettaient nos jambes. A quelques dizaine de …kilomètres de là, le portable de Soulby brailla. Mais il ferma sa gueule, parce que plus fort que lui vociférait à l’autre bout…des ondes :
- Allô ! C’est vous ? Ici le commissaire. Bande de nigauds ! Gare à vous si je mets la main sur vous !
Soulby me regarda. On se regarda.
Abdou ZOURE