17. Pataarpanga détective privé (3e partie)
Mes yeux se déplacèrent vers la place où est assis Soulby. Nos regards se télescopèrent. Il secoua la tête et ses yeux me dirent qu’il y avait anguille sous roche. Comme si on s’était donné le mot, Soulby et moi nous retrouvions deux heures plus tard à la sortie de l’amphi.
- Il faut qu’on tire cette affaire au clair car elle est sombre comme la peau d’une nuit sans lune !
- Et…en quoi faisant ? - Mais Pataarpanga, secoue-toi un jour ! J’en ai assez que tu te comportes comme une peau molle ! J’en ai assez aussi de jouer au chaperon. Cela fait plusieurs mois que tu as quitté ton patelin pour venir t’enfouir dans la merde ici. Alors, secoue tes fesses bon Dieu et aide-moi à trouver la source de ce devoir qui date d’avant notre naissance, de celle de l’université de Ouagadougou, mais qui a trouvé le moyen de venir nous emmerder. Qu’est-ce que t’en pense, Pataarpanga Watson ?
- Euh, que toute source d’eau se trouve généralement au creux d’un rocher et…
- Formidable ! s’exclama Sherlock Soulby. Tu viens de me donner la lumière, mon cher Pataarwatson ! Allons à la source !
- Et c’est où ?
- Ben, le professeur qui a concocté ce devoir !
-Tu connais chez lui ? - Non.
- Alors, son bureau ?
- Non plus. Mais est bien idiot celui qui se perd alors qu’il a une grande gueule ! Demandons !
Après nous être servi de nos « grandes gueules », nous retrouvâmes en effet le bureau de notre enseignant. On frappe. Il ouvre.
- Que puis-je pour vous ? demanda l’enseignant en nous regardant par-dessus ses lunettes débonnaires. Si débonnaire que je l’écartai d’office de la liste de mes suspects.
- Euh, bonjour monsieur. Nous sommes vos étudiants et venons juste de finir votre devoir.
- Et j’espère que vous aurez tous plus de la moyenne, car ce devoir était ce que vous aimez appeler « de l’eau à boire ! » Il éclata de rire.
- N’est-ce pas ? fit Soulby avec un large. Mais laissons votre stylo rouge en décider ! On peut entrer, s’il vous plaît ? Il nous laissa entrer. Vraiment cool, ce prof !
-Monsieur ! dit soudain Soulby.
- Oui.
- L’université de Ouagadougou date d’avant les indépendances, n’est-ce pas ?
- Quel est l’historien amoureux d’alcool à 100° qui vous a raconté ça ?
- Euh…une jeune fille.
- Ah !
- Oui, monsieur, dis-je. Figurez-vous qu’elle nous a soumis un exercice, qui est un ancien devoir qui daterait des années 50 et qui aurait été écrit par la main d’un enseignant qui enseignait ici à l’UO.
Soulby me regarda avec un air de fierté.
- Mais ce qui est plus surprenant, continuai-je, c’est que le même sujet, sans une virgule de moins, a été soumis à des étudiants. Aujourd’hui même !
- Ah bon ? fit l’enseignant.
- Ces étudiants, c’est nous ! termina Soulby.
Silence.
Un ange traversa la salle à l’allure d’un bolide de formule 1.
- Ce que vous dites est grave, dit lentement l’enseignant. Vous êtes en train de m’accuser, ou tout au moins, vous me soupçonnez d’avoir donné un baril de pétrole à cette jeune fille.
- Nous n’avons rien dit de pareil, d’autant plus que la fille en question n’est pas une « opératrice » économique et qu’elle ne ressemble pas non plus à la fille d’un magnat du pétrole. Mais…
- Pardon ?
- Euh, nous disions que nous ne sommes pas des juges ni des…
- Bien. C’est ce que j’ai remarqué ! Par conséquent, vous me ferez une grande faveur si vous cessez d’amortir ma moquette en n’alourdissant de nouveau cette pièce de votre insolente présence prétentieuse que lorsque vous aurez prêté serment !
Cette phrase nous transporta hors du bureau de l’enseignant. Soulby leva la tête et lorgna la fenêtre de celui-ci. Il tressaillit, sa main se posa sur ma joue et la pinça à mort. Ma main riposta pour écarter cette source de douleur et paf ! La joue de Soulby Holmes s’était transformée en tam-tam.
- Qu’est-ce qui te prend de me gifler comme ça ? vociféra ce dernier.
- Et ça ne va pas de me pincer la joue comme ça ? ripostai-je.
- Vous allez débarrasser le devant de ma fenêtre ? cria la voix de l’enseignant depuis son bureau. On s’ébranla. Mais on s’arrêta tous les deux et on se retourna vers ce décidément curieux bureau.
- Mais on dirait que…, commença Soulby.
-…que c’est la fenêtre derrière laquelle une ombre embrassait une fille ?
Abdou ZOURE