Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

4-Délestages délassants

Délestages délassants

 

-          Euh …oui, moi !

-          Tu as quoi ?

-          Je suis malade !

-          Et il risque de mourir ! Renchérit Soulby.

-          Et en quoi ça me regarde ? On parle de taxe et vous me chantez la mort ! Payez d’abord la taxe !

 

Soulby laissa brusquement la bécane entre les mains du policier, qui faillit en tomber, et vint s’accroupir entre mes jambes. Puis, il se  releva, m’empalant sur son dos. (Vous avez pensé à quoi ?)

 

-          Eh ! Que faites-vous ? S’inquiéta le policier.

-          Comme vous m’avez retiré mon ambulance, je transporterai mon malade sur le dos pour l’amener au dispensaire avant qu’il ne meure. Et je suis sûr qu’il va mourir !

-          Hein ? fis-je, brusquement inquiet de ce diagnostic sans appel.

-          Tais-toi, me murmura Soulby en me pinçant une fesse.

-          Hé hé ! Tenez votre foutue moto et foutez-moi votre malade mourant au dispensaire ! Déjà que des soucis me tiennent compagnie toutes les nuits, je ne veux pas en plus en rajouter un autre sur la conscience ! Tenez votre bécane !

 

Quelques instants plus tard, Soulby fonçait (enfin, selon la signification que donne la vieille P50 à ce mot !) vers l’infirmerie du CENOU. Il allait contourner le rond-point se situant en face de l’amphi A 600 lorsque le tas de fer toussa une fois, deux fois et termina son tintamarre dans un pet tonitruant. Le carburant venait de finir, définitivement. La roue arrière bloquée, elle dérapa et nous voilà, quelques « aïe ouille » plus tard, en train de jouer aux amants de dame terre ! Après m’être relevé, je compris pourquoi cette dame était jusqu’à présent sans mari ! Son baiser est d’une rudesse …. Bref, nous nous relevâmes et ô miracle ! je n’étais plus tordu en « V » mais en « L » ! Mes reins avaient remplacé mes coliques qui ont dû avoir été mises « K.O » par le choc, puisqu’elles n’existaient plus ! Soulby se releva aussi et releva sa bécane, qui, elle, n’avait rien de cassé. Enfin, vu l’état dans lequel elle était déjà … 

 

-          Bon, Gapataarpan …

-          Hé, mon nom c’est « PATAARPANGA » !

-          C’est le même charabia ! Bref ! L’essence est finie donc dépêche-toi d’aller à l’infirmerie pour ne pas mourir !

-          Tu ne vas plus me porter ?

-          Hé, Gataarpapan…

-          PATAARPANGA !

-          Comme tu veux ! Il n’y a plus de policier ici. Donc…

 

Il se mit à pousser sa moto. Je me mis à le suivre, une main tenant mon sac, l’autre appuyée sur ma hanche à la manière d’une belle demoiselle en grossesse. Soulby clopinait comme s’il dansait « Mini cassé » ! Il se retourna.

 

-          Tu viens où ?

-          Au cours !

-          Tu n’es plus malade ?

 

Je secouai la tête en guise de dénégation.

 

- Décidément, c’est un bon remède, les chocs sur le sol ! Je vais le recommander à tous les étudiants qui bouffent au RU. Ça va leur permettre d’économiser leur « Faux nerfs » !

 

Deux heures plus tard, le prof entrait dans l’amphi. Comme d’habitude, il s’assit, sortit ses livres et documents, ajusta le micro devant ses lèvres, marmonna un inaudible « bonsoir ». Puis :

 

-          A vos stylos ! Prêts ? Partez !

 

La chevauchée commença. Les stylos couraient sur les carrés ou rectangles blancs. Les non partants admiraient les toiles d’araignée qui décoraient le plafond de la salle. Les tocards, eux, jetaient de fréquents coups d’œil sur le papier de leurs voisins, pour ensuite les darder comme des coups de canon sur le prof, qui, imperturbable, débitait magistralement son cours…magistral ! Trente minutes plus tard : « Pause ! Pause ! Pour l’amour de Satan, pause ! Nos doigts sont train de cramer ! » Le prof n’était visiblement pas très « fan » du maître de l’enfer car il continua son cours, sur un rythme encore plus … infernal ! Une heure plus tard, c’est le prof qui marmonne « pause » et il file dehors griller quelques bâtons de cigarette.

 

Mon index droit ressemblait à un albinos parmi mes autres doigts ! Sûr qu’il y a un gaz à effet de serre qui s’en dégage ! Je m’approchai de Soulby. Il comblait les trous qui parsemaient son cours. Je m’assis et fis comme lui. Quelques minutes plus tard, le prof revint. Le rallye recommença. Trente minutes. « Pause ! Pause ! » Je haletais. Dans ma tête, mes neurones plagièrent sans honte un artiste ivoirien :   « Venez nous sauveeer ho, cours magistral va nous tueeeer ho !!!! Qui va nous sauuuver, cours magistral va nous tueer ho ! ???? »   La voix du prof, qui martelait les murs de la salle, s’éteignit brusquement. Les brasseurs cessèrent tout aussi brutalement leur brouhaha. « C’est  une coupure ! » Criait-on partout. « Youpppi ! SONABEL a encore bien fait son travail ! », lançaient certaines bouches. « Wahooo ! On va  pouvoir souffler un peu ! », faisaient d’autres en souriant de l’oreille droite à l’oreille gauche.

 

Tout à coup, les néons se rallumèrent. « Ôôôôôôôôh ! Chrrourrrrrr ! SONABEL même  ne vaut rien ! »,  a-t-on fait. Mais le cours reprend. Deux mots plus loin et « A kengué ! On peut rentrer à la maison maintenant ! Si ce n’est pas 21h, courant ne reviendra plus ici ! » Le prof partit. Les étudiants disparurent. La salle resta vide. A peine une heure trente minutes de cours. Je me retournai et regardai Soulby, l’air attristé.

 

- Pourquoi me regardes-tu comme ça ? Il y a un âne sur mon nez ? Regarde plutôt cette demoiselle là-bas. Elle n’est pas mal, n’est-ce pas ?

 

Je me tournai. Mes yeux se transformèrent en appareil photo : flash !

 

A suivre !

 

Abdou Zouré



04/10/2010
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