Les Nouvelles de Zouré

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37 - Y a le feu dans la cité !

Je parlais donc du benga que Soulby et Sandrine ont osé consommer en ma présence sans m’inviter.

 

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Quelques mois passèrent après ce qui peut être considéré, finalement, comme un incident anodin. Soulby me demanda, à la veille de la proclamation des résultats de la deuxième session, de l’accompagner afin qu’il voit un ami qui habitait en cité. Je précise que je n’ai jamais mi les pieds en cité universitaire.

 

Quand je suis arrivé à Ouagadougou pour la première fois, une personne m’a conseillé de déposer la demande  pour avoir une chambre en cité universitaire.

 

Cent autres m’ont dit de laisser tomber et de chercher un « voilà-moi » et que cela me fera un grand bien. M’étant enquis de ce que je pouvais perdre sino, mon appétit s’est enfui en grandes enjambées lorsque ces personnes m’ont expliqué le parcours du combattant que je devais suivre pour obtenir ce brillant et très utile résultat : rien.

 

Je renonçai donc à la cité. Et je ne mis jamais les pieds dans ces dortoirs d’étudiants.

Soulby me donnait ainsi l’occasion de déflorer ma virginité dans ce domaine.

 

On se pointa chez l’ami en question à 19h45. Mais avant d’y arriver, on entra dans la cour de la cité. Une première hôtesse nous accueillit.

Mais elle avait deux défauts, cette hôtesse : elle était invisible et franchement, elle avait une haleine très désagréable.

 

- Tu ne sens rien, Soulby ? demandai-je pendant que mes narines jouaient un numéro de contorsionniste.

- Bienvenue en cité universitaire, gaou-là ! répondit Soulby en se marrant.

 

Nous nous engouffrâmes dans le hall de l’immeuble où habite l’ami de mon ami Soulby, talonné par l’hôtesse invisible. Les couloirs étaient étroits.

 

Les escaliers aussi. L’ami  de Soulby logeait au dernier étage. On frôla des étudiants et étudiantes qui descendaient ou montaient, en faisant de grands bruits, comme s’ils étaient en fête.

 

On arriva enfin chez l’ami. Sur sa porte, des papiers collés pêle-mêle racontaient « suis au cours », « occupé, ne dérangez pas », « suis chez un ami, appelez-moi à ce numéro… », « suis chez mon voisin », etc.

 

Le problème, c’est que tous ces papiers étaient collés sur la porte, de sorte qu’on ne savait plus quelle était la position géographiquement exacte de l’occupant de la chambre.

 

Soulby n’en eut apparemment pas cure car il enfonça la porte comme s’il entrait dans un enclos de chevaux qui lui appartenait.

 

Mal lui en prit. Enfin, nous en prit.  

 

La porte s’était ouverte sur un spectacle pas très … catholique, ni musulman, d’ailleurs !

 

- Oooooooh ! C’est quel djou ça ?

 

La bouche qui avait prononcé cette mélodieuse et délicieuse question avait des yeux furax sur un  nez et un menton sur un buste nu, le reste du corps étant enfui sous un drap duquel émergeaient les yeux sur lesquels fusaient des mèches de cheveux emmêlées et hirsutes.

 

- C’est quoi votre problème ? Vous ne pouvez pas frapper avant d’entrer ?

- Euh, on s’excuse ! On venait voir  Patrik !

- Patrik n’est pas de tour à cette heure aujourd’hui ! cria le jeune homme pas.

- C’est une chambre de passe ? murmurai-je à l’oreille de Soulby.

 

Il ne m’écouta pas.

 

- En fait, je m’excuse. Il m’avait dit qu’il sera ici ce soir à 20h !

- Mais il n’est pas encore 20 h, s’exclama l’homme furieux.

- Eh, Djo, tu as déjà fini ?

 

C’était l’ami de Soulby qui venait de se pointer, émergent de la chambre qui faisait face à la sienne.

 

- Non ! cria l’interpellé. Ce ne sont pas tes djous de faux types d’amis qui m’ont interrompu ?

- On se  calme !

C’était Patrik qui refermait la porte d’un coup sec.

- Venez ici !

 

Il nous entraîna dans l’autre chambre où étaient empilés des étudiants et des étudiantes sur tout ce qui pouvait permettre à un bout de fesse de s’asseoir. Soulby et moi entrâmes. On posa nos bouts de fesses quelque part.

 

- En fait, Soul, c’est mon pote sûr qui est dans la chambre ! Il était vraiment « coagulé » ! Il a trouvé un coup occase. Comme il ne savait pas où aller, je lui ai prêté ma chambre.

 

C’est à ce moment que la porte de ladite chambre s’ouvrit. La tête de l’étudiant apparut. Il appela l’ami de Soulby. Ils se parlèrent dans les oreilles comme s’ils préparaient un coup d’Etat. L’ami de Soulby revint.

 

Le temps que l’étudiant referme la porte, on aperçut  sa culotte, qui, soit dit en passant, avait un pare-choc avant…

 

On ne tarda pas à savoir ce qu’il voulait.

 

- Une capote.

- Il n’en avait pas ? demanda une étudiante.

- Non, idiote, puisqu’il en a demandée ! rétorqua un autre.

- Ce n’est pas ça ! dit l’ami de mon ami.

- C’est quoi alors ? demanda Soulby.

- Il a épuisé le stock qu’il avait amené !

 

La chambre d’étudiant exigüe comme le ventre d’un squelette affamé explosa de nos rires.

 

Et on se mit à discuter de tout et de rien. De la dure vie d’étudiant au Faso, des résultats qui tombent bientôt, de certains profs qui adoraient trop la « chair fraîche » des étudiantes, des étudiants qui ne bossaient pas mais qui validaient toujours leur année, des étudiants garçons qui devenaient subitement riches alors qu’ils ne travaillaient nulle part, etc.

 

Soudain, une étudiante s’exclama :

 

- Eh Patrik, ton gars-là, pour lui-là c’est lance-flamme ou bien ?

- Pourquoi tu dis ça ? demanda Patrik.

- Regarde sous ta porte.

 

Tout le monde se retourna pour remarquer la fumée qui suintait de sous la porte.

 

- Même si tu es dragon, ça là  ce n’est possible ! C’est plutôt …

- Au feu !

A suivre…(cliquez)

 

ZOURE




31/08/2013
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