Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

35- Flagrant au lit…

https://static.blog4ever.com/2010/09/440435/artfichier_440435_1551157_201212121256201.jpgUne grosse 4X4 était garée devant la porte de notre cour. Dedans, des soldats armés jusqu’aux cordes vocales et rébarbatifs jusqu’aux orteils. Soulby, Sandrine et moi freinâmes des quatre fers. Ils nous regardent. On les regarde. Que faut-il faire ? Marche-arrière, marche-devant ou marche-halte ?

- On fait quoi ? demandai-je à Soulby.

- Je ne sais pas, répondit ce dernier.

Et on resta sur place.

- Qu’est-ce que vous regardez ? cria un des soldats.

- C’est nous que vous regardez ? demanda un autre.

- Pourquoi nous regardez-vous ? termina un troisième.

- Non, hein ! lança Soulby. C’est pas vous  on regarde dè ! C’est la porte de notre cour que nous regardons !

- Pourquoi regardez-vous la porte de votre cour ? demanda le premier soldat.

- Eh ben, parce qu’on veut entrer dans notre cour !

- Mais, entrez alors ! dit le deuxième soldat.

- Venez ! Passez ! compléta le troisième.

Mais Soulby, Sandrine et moi  restâmes scotchés au sol comme le Rond-point des Nations  Unies.

- Mais passez ! tonna le premier militaire.

On s’ébranla à queue leu leu, se marchant sur les chevilles, comme de petits canards derrière leur maman. Nos regards étaient collés à la 4X4 et ses occupants. De sorte qu’arrivé à la porte, on ne put  que buter sur l’obstacle qui en sortait.

Soulby, qui était devant, cogna le premier. Je le cognai à mon tour et Sandrine embrassa mon dos. On fit marche-arrière. On leva la tête, pour tomber sur un gigantesque corps habillé d’un treillis et qui sortait de notre cour. Notre regard se baissa ensuite vers le bas de la corpulence pour voir ses mains qui finissaient de remettre en place la boucle de sa ceinture.

- Hum, vraiment, les WC des étudiants-là même ce n’est pas la peine ! C’est sale et ça sennnnnt !

C’est le militaire qui venait de prononcer l’oraison  funèbre de nos toilettes. Dès lors, on su pourquoi le 4X4 était garé devant notre portail avec ses peu rassurants occupants.

- Qu’est-ce que vous regardez ?

Décidément, c’est une manie, me suis-je dit. Pourquoi éprouvent-ils chaque fois le besoin de nous demander ce qu’on regardait ?

- Rien ! répondîmes-nous dans un ensemble parfait.

Qui est fou ?

- Bien ! Les enfants, on y va !

Le gros militaire sauta dans la voiture qui démarra en trombe et fonça dans un nuage de poussière. Une poussière qui entra établir sa tente dans nos bouches béatement ouvertes. Quand  le  nuage se dissipa, nous vîmes un homme qui poussait sa moto. Le pneu arrière était aussi plat que le moral d’un Gourounsi qui n’a pas vu un os de chien depuis…une heure !

Nous comprîmes alors autre chose : ce n’était pas un coup de feu qui avait éclaté et qui a fait que nous nous étions métamorphosés en chevaux. C’était le pneu arrière de ce monsieur qui avait brusquement lâché le vent de sa chambre à air.

Abattus, on rentra tête basse dans notre maison. On ne parla pas pendant deux heures.

- J’ai faim !

C’est Sandrine qui venait de rompre cette abstinence vocale.

- Je ne sors plus. Plus jamais ! claqua Soulby. Je vous avais dit qu’il y a couvre-feu ! Voilà, vous avez vu maintenant, non ?

- Oui, mais tu avais dit aussi qu’on allait nous tabasser si on soulevait le couvercle du feu. Mais les militaires se sont contentés  de nous demander pourquoi on les regardait, rétorquai-je.

- En tout cas, si vous voulez, sortez ! Moi je ne bouge plus d’ici ! Et puis, il est 17 h.

- Quoi ? Tu veux dormir ici ? demandai-je.

- Pourquoi pas ? Il y a de la place pour tous !

- Euh…, commençai-je.

- Allons, voyons Pataar, tu ne vas pas mettre ton ami dehors, non ? intercéda Sandrine.

Je finis par accepter. Et on se prépara pour la nuit. Ce soir-là, le grin de thé resta vide. Les étudiants de la cour se barricadèrent dans leur cabane. Nous fîmes de même.

 On échangea des propos anodins, sans saveur et pratiquement futiles et inutiles. On finit par dormir. Sandrine et moi dormîmes sur le continent africain de ma maison et Soulby, sur Madagascar. Je sombrai dans le sommeil. Pendant longtemps.

Puis, soudain, quelque chose me réveilla en sursaut. J’entendis des murmures. Je me levai doucement et j’allumai. Je n’en crus pas mes yeux.

- Soulby ! Sandrine ! C’est quoi ça ? Que faites-vous ?

A suivre…

ZOURE



19/03/2013
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