Les Nouvelles de Zouré

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25- Droits de photocopieur

-Quoi ? T’épouser ? Mais, ça ne va pas, non !

 

- Pataar, ne sois pas grossier ! dit Soulby.

 

- Mais, tu entends ce qu’elle dit ?


 

Je me levai.


 

- Elle me dit qu’elle m’aime pour aussitôt me larguer. Elle me fait tabasser par son père parce que sa mère me faisait les yeux doux. Elle couche de gauche à droite, en haut et en bas, elle pique entre deux pirouettes une grossesse et maintenant, elle vient me dire de l’épouser ! C’est le monde à l’envers ou quoi ?

 

- Pataar, calme-toi !

 

- Je crois que j’ai assez joué au nez percé ! Ça ne marchera pas ! Et puis, avec quoi voulez-vous que je supporte ce fardeau ? Un mariage et une grossesse ! Mais je rêve ! Quelqu’un qui n’arrive même pas à nourrir sa seule bouche et vous lui demandez comme ça, de prendre en charge deux paires de mâchoires adultes et une autre en gestation ! C’est pas croyable !

 

- Et c’est quoi ta réponse ? Demanda Soulby.

 

- Mais c’est évident, non ? C’est non !

 

- Ok ! Tu  as gagné ! dit Soulby.

 

- Mais bien-sûr que je ne pouvais pas ne pas gagner ! répondis-je.

 

- Je parlais à Sandrine, rétorqua Soulby en tendant un billet de 1000 francs à Sandrine.


 

Je regardai cette dernière sauter de joie. Elle vint m’embrasser. Pas sur la bouche.


 

- J’ai  raté un épisode ? demandai-je.

 

- Oui, bien-sûr ! dit Sandrine. J’avais un livre à photocopier. Mais je n’avais pas d’argent pour le faire. Ou disons que je n’en avais pas assez. Alors j’ai imaginé ce pari avec Soulby pour avoir mes sous !

 

- J’étais persuadé que tu aimais encore Sandrine à la folie et que tu n’hésiterais pas à lui venir en aide, continua Soulby.  C’était ça le deal. Si tu acceptais, Sandrine me devait 500  francs. Mais si tu refusais, je devais donner 1000 francs à Sandrine. Et c’est ce que j’ai fait puisque tu as décidé de trahir ton ami !

 

- Donc, Sandrine, tu n’es pas…

 

- Je suis aussi enceinte que tu es une fille ! dit triomphalement Sandrine. Bon, je cours faire ma photocopie !

 

 

 

Elle s’en fut. Je restai là à  regarder Soulby.


 

- Pourquoi me regardes-tu comme ça ? demanda ce dernier.

 

 - Quand est-ce que tu arrêteras tes plans foireux qui ne font que nous créer des ennuis et nous couvrir de ridicule !

 

- Quand je serai un étudiant qui n’aura d’autres soucis à se faire que de réussir à ses examens au lieu de passer la totalité de son temps à penser à comment remplir les trois quart de la moitié de son ventre !  A propos, il est 16h !

 

- Et alors ? dis-je.

 

- Et alors ?


 

Et alors, je me rendis compte qu’il était l’heure de se préparer pour le dîner de … 19h ! La moto de Soulby pétarada vers le Restaurant Abingué. On traversa le campus et on se retrouva à la sortie Est. C’est alors qu’on vit Sandrine. Elle faisait sa fameuse photocopie.



 

On s’arrêta  à son niveau.


 

- Alors, les garçons, ça roule ?

 

- Ouais, dit Soulby. On a surtout faim !

 

- Ce qui veut dire que vous partez prendre le rang !

 

- Ouais !


 

Je regardai la couverture du  bouquin que Sandrine est venue photocopier. Le monsieur qui assurait cet office avait d’ailleurs fini son sacerdoce et s’apprêtait  à faire la reliure du faux sosie du livre. C’est alors que je remarquai un monsieur arrêté au coin de la boutique et qui regardait le  travail du photocopieur.


 

C’était comme s’il avait choisi ce moment pour commencer à parler.


 

- La photocopie aide les étudiants, on dirait !

 

- Ça c’est vrai ! s’exclama Soulby.

 

- Eh oui, sans ça, on est mort ! Renchérit Sandrine.

 

- Mais avec ça aussi, les auteurs des livres sont morts ! remarqua le monsieur. Rendez-vous compte !  Un livre photocopié par 1000 étudiants sera lu par 3 000, voire 5 000 étudiants. C’est une perte énorme pour ceux qui ont produit le document !

 

- Hum, c’est vrai tout ça ! reconnut Soulby. Mais on va faire comment ? Les livres sont chers au Faso ici ! Le bouquin que tient la demoiselle coûte 10 000 francs. Pourtant, elle doit en lire 10 comme celui-là pour réussir son année académique. Or, la bibliothèque du campus est aussi pauvre qu’un rat somalien et vieille comme la terre. Mais avec la photocopie, elle peut lire son bouquin avec 2500 francs. On va faire comment ?

 

- Mais, dit le monsieur, l’auteur a une famille à nourrir, des…

 

- Ouais, on sait tout ça, dit Soulby. Mais le bouquin que tient la demoiselle a au moins été acheté par quelqu’un ! Donc, il ne perd pas complètement, le con qui a écrit le livre !

 

- Ah, donc vous pensez que le monsieur qui a écrit ce livre est un… ?

 

- Ouais, confirma Soulby. Il faut être vraiment con pour écrire un gros machin comme ça !


 

C’est à moment que je retournai le livre. J’y découvris la photo de l’auteur.


 

- Merde, murmurai-je.

 

 

A suivre….

 


Abdou ZOURE



02/05/2012
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