Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

16-Pataarpanga, détective privé ! (suite)

- Deux tickets de RU ! s’exclama Soulby.

Ses yeux se  levèrent douloureusement vers la fenêtre comme s’il s’attendait  à ce qu’on y mette du piment. Puis, il secoua la tête :

- Affaire classée, pour manque de moyens financiers et locomotifs pour réunir les preuves ! Bon, allons voir dans quelle salle on nous a programmés pour le devoir de ce soir !

C’est ainsi qu’on laissa le monsieur en haut à ses affaires et on s’ébranla vers notre UFR. En route, nous vîmes des étudiants alignés devant leur salle de classe (le RU central), attendant leurs professeurs (les preneurs de tickets et les serveurs) afin de suivre leur cours (manger pour survivre). Je regardai ma montre : 9h05. Leurs professeurs ne seront là qu’à 11h ou 11h30. Je me dis alors que ces étudiants sont les plus assidus que je connaisse.

Nous arrivâmes à l’UFR. Sur le tableau d’affichage, il y a en effet une  feuille jaune sur laquelle est gribouillée à l’ordinateur la liste des dates de nos évaluations. Sur la tête de ce papier jaune, il est écrit ceci : « PROGRAMME DES  DERNIERES EVALUATIONS DE L’ANNEE 2009-2010-2011 ».

Je demandai à Soulby :

- A quelle année académique on est ?

- Celle du Burkina !

Je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Au moment où nous allons rebrousser chemin, une voix féminine, derrière nous, nous apostropha :

- Hé, les jolis garçons-là, attendez je vais vous grouiller !

Soulby me regarda, sourit et dit :

- Ça, c’est un bon programme !

Je souris aussi.

On se retourna. Nos sourires disparurent.

- Nom d’un âne émasculé, jura Soulby. C’est quoi ça ?

Ce sont les dents que je vis en premier. Puis, le front. Ensuite, les yeux. En outre, les oreilles. Et enfin, l’habit. Je m’attardai sur ce dernier point, car j’avoue que les autres, c’est plutôt Dieu qui les lui a donnés. Et Dieu ne fait jamais les choses au hasard ! L’habit donc : c’était trop grand pour une couverture pour bédouin. C’était plus léger  que le manteau d’un esquimau. Mais cachait son corps aussi bien que le cache-sexe d’un pygmée âgé de 10 mois. Et on dirait que les couleurs de tous les drapeaux se sont donné rendez-vous sur la toile de sa robe. Enfin, j’avais l’impression que cela ressemblait à une robe. Les mêmes couleurs dansaient au bal masqué sur son visage. Elle n’était pas nue, mais elle n’était pas habillée non plus. Le tout, une horreur.

Et c’est cette horreur qui voulait nous draguer ! Je voulus prendre mes jambes à mon cou. Soulby me retins.

- Idiot ! Tu veux qu’on nous prenne pour des coqs mouillés ! Si tu bouges, je te mange une oreille !

J’attrapai mon oreille. La fille arriva.

- Comment ça va, beaux mecs !

Par contraste, sa voix était de l’or, une merveille née du mariage entre la douceur et le calme. Je faillis m’endormir. Mais son parfum, capable de réveiller en sursaut un éléphant endormi sous sédatif, me fit rouvrir les yeux.

- Ça va, ravissante demoiselle sortie du moule  du dieu Apollon !

Soulby mentait comme il mangeait le benga au RU ! Ce qui n’empêcha pas la demoiselle de nous montrer la beauté de ses gencives. Mais on entra dans le vif du sujet.

- Nous sommes de la même promotion. Je sais que vous ne savez pas, parce que nous sommes comme la Chine mise dans la coquille d’un embryon d’escargot !

Elle a de l’humour, me suis-je dit.

- Mais ce n’est pas ça l’essentiel ! L’important, c’est que j’ai ici un exercice, en rapport avec le devoir que nous ferons ce soir, que je n’arrive pas à traiter. Vous pouvez m’aider ?

Je sentis que Soulby était sur le point de dire un « non » carré et pointu comme la Tour Eiffel.

- Allez, vous êtes si beaux que vous devrez être sûrement intelligents ! fit la demoiselle en boubou arc-en-ciel.  

Soulby est vaincu. Mais pas moi. Mais je l’accompagnai vers un coin tranquille, par solidarité. On traita donc l’exercice. A la fin, Soulby posa une question :

- C’est un ancien devoir ?

- Euh, oui oui oui ! répondit la demoiselle en jouant des cils.

- Quelle année ?

- Euh… mill-E… Mille… ça doit être mille neuf cent cinquante huit-mille neuf cent cinquante neuf (1958-1959) !

- Hein ?

Soulby et moi avions ouvert des yeux de hibou effrayé.

- 1959 ? C’est dans quelle université ça ? demanda Soulby.

- Ben, Ouaga, bien-sûr ! Bon, merci les gars ! J’y vais !

Elle s’en alla.

Soulby me demanda :

- L’université de Ouaga existait avant l’indépendance de la Haute-Volta ?

Nous eûmes la réponse le soir, lorsque les surveillants nous donnèrent les sujets du devoir. C’était les mêmes exercices que la demoiselle nous avait soumis le matin. Pas une virgule de moins.

 

A suivre…


Abdou ZOURE



17/02/2011
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