Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

Vive le pays des Hommes intègres !

 

 

Salut. Je m’appelle.. Peu importe. Je suis élève en classe de cinquième au lycée… Est-ce que ça aussi c’est important ? Non.

 

Mais il est important que vous sachiez que je suis une fille et que je viens d’arriver à mon lycée à 6h30, comme tout bon élève. Plus tard, la sirène sonne. Mais bizarrement, au lieu que tout le monde se précipite dans sa classe comme des poussins, les professeurs firent masser les élèves devant les portes.

 

Quelques instants plus tard, nous vîmes le proviseur se diriger à pas vigoureux vers le poteau du drapeau. Là, il prit le micro et parla en ces termes :


- Chers élèves, après vous avoir dit bonjour, je vous apprends que désormais, les couleurs de notre pays seront…

Ma voisine, Ignoratou, me tira le manche et demanda :

- Dis, savais-tu que notre pays avait des couleurs ? Je ne les avais même pas remarquées ! Moi j’adore le vert des arbres de Bangreweogo, le rouge de la route de Bogodogo, le bleu du ciel quand il ne pleut pas et le marron de certains murs. Pas toi ?


Moi, j’écoutais toujours le proviseur.


- .. . les couleurs, disais-je, seront montées chaque jour et l’hymne de la victoire, le Dytaniè, sera également chanté par tous les élèves du lycée…

-C’est de quel hymne, il parle ?

- … Et pendant ce temps, il est formellement interdit à toute personne, qui qu’elle soit, de bouger. Car il s’agit de notre patrie et il faut la respecter. Et vous ne devez pas tolérer qu’on bafoue cette patrie. Est-ce bien clair ? Aucun élève de cet établissement ne doit s’asseoir quand le drapeau de notre chère patrie passe. Est-ce que c’est bien clair ? A présent, qu’on apporte les couleurs.


Et voilà qu’un jeune homme sortit des bâtiments de l’administration à toute allure, traînant à bout de bras le drapeau comme une serviette de cuisine. La voix du proviseur tonna :


- Eh ! C’est comme ça que tu traites ton pays ? C’est ainsi que tu comptes travailler pour ta patrie ?


Aussitôt, on le rattrapa et on arrangea le drapeau. Quelques instants plus tard, l’hymne commença.


« Coooontre la férule humiliante il y aaaaa déjà mille aaaaans, la rapaaaaacité venue de loin  les asservirrrr il  y a cent aaaans.. »

Ignoratou se mit aussi à chanter :


« Taann tan taan tan tandan tandan taaaan tann tann taandaan, taaan tadaann taaan taann taaan tan tan tan ta daaaan... »


“... Beauuuucoup flanchèrent et certains résistèrent, mais les échecs, les succès, la sueur et le sang oooont fortifié… »


Et Ignoratou : « Tooon ton tooon toonnn, too too totoro tororoto, mais les tsé tsé tsé ...”


J’en eus assez.


- Ignoratou, tais-toi !

- Han ?


Nos voix avaient percé dans  le rythme du Dytaniè que chantait  tout le lycée. A la fin de la montée des couleurs, le proviseur se retourna vers nous, furieux.


- Venez ici !


Nous vînmes.


- Ne vous a-t-on pas dit de ne pas parler pendant qu’on monte les couleurs ?

- Si, monsieur. Mais elle ne chantait pas bien. Voilà pourquoi je lui ai dit de se taire.


C’est Ignoratou qui venait de parler.


- Mais elle ment, monsieur, ripostai-je.

- Ce n’est pas grave. On saura tout de suite qui ment ou pas. Vous  allez chanter à tour de rôle l’hymne national. Il vous revient l’honneur d’entonner le chant de la victoire du peuple burkinabè devant votre drapeau. Vous êtes des dignes Burkinabè ! Chantez ce matin pour votre beau pays, le Burkina Faso. Allez, on y va. Mais on commence par celle qui est accusée de ne pas savoir chanter.


Toute fière, et devant des centaines d’yeux, j’entonnai de ma plus belle et mélodieuse voix :

 

Le Dytanié

« Contre la férule humiliante il y a déjà mille ans,

La rapacité venue de loin  les asservir il y a cent ans,

Contre la cynique malice  métamorphosée

En néocolonialisme et ses petits servants locaux, 

Beaucoup flanchèrent et certains résistèrent.

Mais les échecs, les succès, la sueur et le sang

Ont fortifié notre peuple courageux et fertilisé sa lutte héroïque.

Et une seule nuit a rassemblé en elle une histoire de tout un peuple.

Et une seule nuit a déclenché sa marche triomphale

Vers l’horizon du bonheur.

Une seule nuit a réconcilié

Notre peuple avec tous les peuples du monde.

A la conquête de la liberté et du progrès,

La patrie ou la mort nous vaincrons ! »

 

Tout le lycée applaudit à tout rompre. Le proviseur, tout ému, essuya le coin de son oeil.


Au tour de Ignoratou. Un regard à gauche, un regard à droite. Puis, elle éclata en sanglots. Et entre ses larmes, elle dit :


- Je comprends maintenant le sens de notre hymne et je vois qu’elle ne peut être chanté par quelqu’un qui a menti comme moi. Je vois maintenant que c’est l’hymne des Hommes intègres, qui se sont battus dans l’honnêteté et la dignité. Je demande pardon à ma voisine pour avoir menti sur elle. Je demande aussi pardon aussi à monsieur le Proviseur pour avoir osé dire devant lui des mensonges sur une camarade.


Je regardai le proviseur et je vis son doigt qui a plané une fois encore vers son œil. Pour chasser une mouche ou…une larme. Je pris la main de Ignoratou et lui dis :


- J’accepte ton pardon, car un homme qui se dit intègre est celui qui sait pardonner, dis-je. Travaillons maintenant main dans la main pour un Burkina uni et prospère, pour que la souffrance de ceux qui ont flanché, les douleurs de ceux qui ont résisté ne soient pas vaines. Respectons notre pays et ensemble disons, vive le Burkina !


Et tout le lycée :


« Hurrah ! Vive le Burkina Faso ! Pays des Hommes intègres ! »

 

Abdou ZOURE



17/10/2010
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