Les Nouvelles de Zouré

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7-SACRES FAUX...NERFS !

Deux mois plus tard. Me voilà au FONER (Fonds national pour l’éducation et la recherche). Pour les profanes, c’est le lieu où bacheliers et étudiants, qui n’ont pas eu la géniale idée d’avoir la mention « admis pour la bourse » griffonnée au bas d’un diplôme, se rendent pour avoir de l’argent. De l’argent « gratis », selon ce que m’a raconté Soulby. Mais je ne savais pas que « gratis » voulait dire tromper sa faim sans la divorcer.

Après avoir couru dans tous les coins et recoins du campus, je suis rôdé à présent. Voilà pourquoi le coq de mon voisin m’a bizarrement regardé lorsque je suis sorti avant lui de ma basse-cour… pardon, de mon salon-en-même-temps-chambre-salle-à-manger.

Je suis donc devant les portails du siège du FONER à 5h du matin. Mais j’eus la désagréable surprise d’y trouver des coqs et des poules plus matinaux que moi Mon nom s’aligna en effet à la 20e place sur  la liste du « ce-n’est-pas-sûr-que-les-premiers-seront-servis-avant-les-derniers ». Mais j’attendis.

 Comme nous sommes étudiants, nos aigreurs et galères respectives s’attirèrent et nous voilà l’instant d’après bavardant comme des anciens combattants qui ont écumé côte à côte les tranchés  de 39-45. Et bien entendu, en bons archers, nous décochâmes quelques flèches inutilement empoisonnées vers le pouvoir, son opposition et tout ce qui porte cravate et gros ventre. Aigris ? Et après ?

Trois heures et une longue liste plus tard, nous voici alignés dans le ventre du siège du FONER, nos yeux braqués sur les portes et les fenêtres qui ne s’ouvraient toujours pas. Puis, elles s’ouvrirent enfin. Et la randonnée commença. Je vous assure que si l’intégration ouest-africaine était aussi réelle et fulgurante, il y a belle lurette que je ne m’appellerai plus Burkinabè, mais Etats-unien d’Afrique ! De 20e sur la liste du « qu’est-ce-que-je-vous-disais-plus-haut ? », je me retrouvai en effet sans rien comprendre derrière la 49e personne du rang ! « Cela ne se passera pas comme ça ! Que ceux qui n’ont jamais intégré jettent  la dernière pierre! », a crié un voisin. Effectivement, j’ai lancé la première pierre :  « Eh ! Serrez le rang ! »

Après avoir lancé dans le vide des centaines de cailloux d’une forme plus ou moins identique, après m’être approché par deux fois de la caisse sans pour autant avoir accès à son contenu, la troisième fois enfin, j’eus sept beaux billets de dix mille francs CFA craquants. Le FONER !

Soixante dix mille francs ? Soixante dix billets de mille francs ? Cent quarante pièces de cinq cents francs ? Sept cents pièces de cent francs ? Comparées à ces quatre vingt  pièces de cinquante francs CFA que je répartissais sur un mois, je suis riche ! C’est comme si j’avais eu de nouveaux nerfs ! Tonifiés ! Alors, je me comportai en nouveau riche !

 Mille achats s’engouffrèrent dans ma tête et m’ordonnèrent de les servir. J’obéis. Sandrine connut enfin où j’habite. J’achetai un matelas. Ma natte avait tellement pitié de moi ! J’achetai un portable. TIC obligent. J’achetai une radio.  Il faut s’informer. J’achetai un abonnement à un journal.  Qui ne lit ne se cultive. J’achetai… J’achetai… Mais sans pouvoir acheter mes bouquins d’études … Sans demander qui est ce FONER. Comment fallait-il le traiter ? Quelle était la résistance de ses nerfs ? N’était-ce pas un faux type ?

Les réponses, je les eus un mois plus tard. Un mois à peine. Je commençai d’abord par fuir les kiosques devant lesquels je m’asseyais chaque matin pour prendre mon « p’tit dej » : Du café au lait dans lequel se baignait régulièrement du pain beurré ! Puis, la vendeuse de riz-gras au poisson et aux choux aurait donné sa louche juste pour voir le nez de mon ombre. Ensuite, les appels téléphoniques vers l’oreille de Sandrine se ratatinèrent pour prendre la taille de Japonais, qu’ils abandonnèrent au profit de celle des pygmées alias SMS pour finalement se contenter des étroits et subreptices éclairs des bips. Enfin, certains beaux jeans et chemises partirent négocier leur prix de vente dans la vitrine de la boutique de celui qui me les vendait un mois plus tôt … 

Et case départ, je demandai à Soulby de jouer au médiateur entre moi  et le  RU afin de me faire signer de temps à temps des accords remplis de tickets à rembourser plus tard. Mais comme lui-même n’avait pas assez de papier  pour signer continuellement ces accords, il me référa à un autre médiateur : le boutiquier de mon quartier !

Bref, mon FONER commençait à peser le poids d’une soupe sans viande, sans tomate, sans choux, sans sel et les tonifiés  nerfs qu’il m’avait donnés perdaient de leur tonus.

Un mois plus tard, je n’avais plus de nerfs du tout. Ils étaient tous faux et ont foutu le camp !

 

A suivre …

 

Abdou  ZOURE



26/10/2010
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