Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

43. Pataarpanga délégué ANEB

Je bondis au son de cette voix. Les ennuis commençaient. Le mari de Prisca a-t-il découvert que sa maman jouait à la savane enflammée dans son dos ? Mes yeux se transformèrent en girouette et firent le tour des quatre points cardinaux de l’entrer-coucher de Soulby à  la recherche d’une sortie.

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Fenêtres barricadées. Il ne restait que la porte. D’où je prêtai à nouveau attention à ce que Soulby et cette voix caverneuse se racontaient.

- Nous avons une commission pour lui. Pouvez-vous la garder avec vous et la lui remettre quand il reviendra ? continuait la voix gutturale.

- Ça dépend de la commission ! dit Soulby.

- Venez, elle est dehors !

- Hé, vous là, qui veut Soulby vient chez lui ! Si vous avez pu entrer dans cette cour, c’est que votre commission aussi le peut !

- D’accord ! Attendez-nous !

Tiens ! Cette voix était en plus venue accompagnée ! Quelque chose quitta l’orée de mon estomac, dégringola dans le labyrinthe de mes intestins et freina comme un TGV à l’entrée de la sortie de ce que vous et moi savons.

Je ne tenais plus. Décidément, je n’avais pas de chance avec les incendies. Pendant que les autres pompiers les éteignent en riant et en profitant de la vie, moi je me faisais chaque fois griller comme un margouillat pris dans un feu de brousse.

Le bruit des pas de nos visiteurs qui revenaient  interrompit le cours de mes pensées. J’entendis un silence. Et au lieu de recevoir sa voix, c’est Soulby lui-même que je reçus brutalement dans mes bras, après qu’il ait fendu le rideau de la porte, tel un ange qui descendait du ciel.

On  s’écroula sur le sol dur de la maison. Je pensai d’abord que la force contenue dans cette voix gutturale s’était transformée en énergie cinétique sur le corps de Soulby au point de le propulser ainsi dans mes bras. Mais son sourire, son rire puis son (sur) rire me proposèrent un autre choix : soit il a pris une graine de folie là dehors, soit la commission des visiteurs était magistralement magnifique.

C’est cette dernière option qui était la vraie lorsque mes yeux se posèrent sur la rutilante moto qui reposait devant la porte de Soulby quand ce dernier m’eut entrainé dehors. Elle brillait de mille feux et était si belle et soyeuse que Soulby ne put s’empêcher d’y promener un doigt polisson.

- Tu as vu ça,  Pataar ! Une merveille de la nature !

- Non, de la science, rectifiai-je.

- C’est le même dénominateur commun ! Hey, prends la clé afin que cette gonzesse nous montre ce qu’elle a dans les tripes !

Je me retournai vers les convoyeurs.

- Désolé, mais veuillez dire à la personne qui vous a remis ceci que je n’en veux pas !

- Quoi ? Tu as pété un écrou dans ta cervelle ou quoi ? s’insurgea Soulby.

- C’est décidé !

Les messieurs, debout comme des statues égyptiennes, eurent une toux discrète. Le premier bougea et posa deux gigantesques bras sur mes frêles épaules.

- Je crois que nous n’avons pas pris le soin de bien nous présenter !

La phrase résonna dans mes oreilles comme les grondements d’un orage qui promet d’être méchant et pervers.

- C’est… c’est-à-dire ? dis-je, la gorge soudain sèche comme une grotte lunaire.

-  Ce n’est pas celui que vous croyez qui vous a envoyé cette moto !

- …

- C’est qui ? C’est celui à qui vous essayez de vous comparer !

J’entendis deux cliquetis. Je jetai un regard sur mon poignet : un bracelet en fer l’ornait, pour mon plus grand déplaisir.

- Héy ! C’est quelle fausse combine ça ? s’exclama Soulby, le bras aussi décoré que le mien.

Le gus aux gros bras s’éclaircit la voix. Il sourit. Ses dents se mirent   à luire. Comme celles d’un étudiant qui vient de finir un cours marathon de 7h à 14h et s’apprête à  dévorer un bol de « dèguè » !

- J’explique, dit-il. Soit, tu prends la moto et tu fiches le camp là où tu dois foutre le camp. Soit,  c’est nous qui allons foutre la merde dans tes boyaux  et sur ton tuyau qui te sert tant à  éteindre des incendies qui ne t’appartiennent pas !

Soulby et moi, on se regarda. Nos yeux se posèrent sur la moto et se reportèrent sur les deux ombres massives. On secoua la tête de haut en bas. Encore et encore, à tel point que mon interlocuteur, sans doute excédé par cette nouvelle forme de ventilation, s’exclama :

- C’est bon ! Je dis c’est bon ! On a compris ! Et djo, on fiche le camp ! J’ai envie de faire c… !

Ils s’en allèrent comme par enchantement. Deux bruits de pneus dégonflés retentirent dans la cour.  Nous venons de soupirer. Et c’est à  ce moment que choisirent les habitants du célibatérium pour arriver bruyamment.

- Ils étaient où, ceux-là ? demanda Soulby.

Je ne répondis pas à sa question. Je rentrai chez moi, avec la moto. Arrivé, je la garai dehors et entrai. Il fallait que je réfléchisse. Quelques instants après, Sandrine fit son apparition dans ma maison. Elle se dirigea vers moi et me donna un bisou sonore. Cela me mit du baume sur le cœur.  Mais pas pour longtemps.

- Quelle est cette moto ?

J’eus l’impression que Sandrine avait doublé sa voix pour me poser cette question. Mais mes yeux furent forcés à s’ouvrir par :

- Pataar, ta patronne est là !

Et je me mis debout et frissonnai de la tête au pied devant l’air franchement et effroyablement furibond de Prisca.

Le temps de m’en rendre compte, je reçus une gifle fulgurante.

- Idiot ! Tu vas me payer ta lâcheté !

Prisca sortit aussi furieusement que le diable le jour où on le projeta en enfer. Sandrine me regarda :

- C’était donc ça ? Minable !

Je reçus une deuxième claque. Satan pourrait réclamer des droits d’auteur sur sa manière de sortir ou d’entrer !

Sandrine me quitta définitivement. Les talents de médiateur de Soulby n’y firent rien. Je n’entendis plus parler de Prisca, car son mari fut éjecté brutalement du gouvernement après un remaniement tout aussi tout brutal. Je rencontrai un jour Godefroy à un feu tricolore. Il était dans une voiture de police.

Depuis cette aventure,  je pris la décision d’inscrire tout ce qui est du  champ sémantique et lexical de pompier sur le tableau de mes totems, même l’extincteur !

Et je pris une autre décision : celle de devenir délégué ANEB. Mais ça, c’est une autre histoire que vous aimeriez sans doute connaître. Alors, …

 

… à  suivre !

ZOURE




02/02/2016
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