J’ouvris de grands yeux.
- Qu’est-ce que tu racontes ? demandai-je à Soulby.
- Ta madame Prisca est la femme d’un ministre !
C’est comme si un casse-tête chinois s’était abattu sur moi. J’étais groggy.
- Tu es en train de faire cocu un ministre, s’exclama Soulby.
L’idée faisait doucement son chemin dans ma tête.
- Mais c’est drôle ça ! Un étudiant qui cocufie un ministre ! C’est digne de figurer à la Une d’un bon journal ! ça ne te dirait pas qu’on vende très cher le scoop à un « canard » emplumé de la place ? Pataar ?
Je me dis que je n’étais pas né sous une bonne étoile. Sinon, une bonne m’aurait mis sur le chemin d’une veuve riche qui n’avait rien à faire de ses sous, au lieu de me jeter dans ce cloaque plein de boue et de problèmes.
- Qu’est-ce que je fais, Soulby ?
- Fonce !
Je m’attendais à un conseil de ce genre de la part de Soulby.
- Et qu’est-ce que je fais de Sandrine ?
- Elle ne soupçonnera rien. Et puis, tu pourras te lâcher côté financier car tu as un alibi pour justifier ton confort.
- Et si le mari nous surprend ?
- Tu quittes le pays ! dit Soulby.
- Très drôle !
Je soupirai.
- De toutes les façons, tu n’as pas le choix. Elle semble tenir à toi, elle te tient et ne te lâcheras, sois en certain !
Je soupirai encore.
- Vas à ce boulot.
Le lendemain matin, j’étais devant les portes de l’African Marketing, l’une des nombreuses entreprises de madame Prisca. Je me présentai à la réception. L’instant d’après, on me fit entrer dans le bureau capiteux de la maîtresse des lieux.
- Je veux faire de toi le Directeur général de cette boîte. L’actuel ne me plaît plus. Alors, tu as six mois pour me convaincre que tu peux être à la hauteur de la tâche. Pour commencer, tu vas suivre des formations. C’est l’actuel DG qui te guidera.
A ce moment, on frappa à la porte et l’actuel DG entra. Plutôt joli garçon, très grand, teint clair, bien proportionné et très élégamment vêtu. L’assurance en personne. L’arrogance aussi, car monsieur le DG leva juste le menton en guise de bonjour à mon endroit et ne s’occupa que de sourire à madame Prisca.
- Godefroy, je place Geoffroy sous ta tutelle. Je veux que tu en fasses un agent commercial de haut niveau.
- Tu peux compter sur moi, Prisca.
- Plus de familiarité, je te prie. Je vous laisse. Amusez-vous bien !
Elle s’en alla. La porte se ferma. Godefroy se retourna lentement et posa des yeux méprisants sur moi. J’avais l’impression que j’étais une souris, face à la bestialité affamée d’un python.
- Bien, écoute-moi bien, petit. Dans cette entreprise, tu rencontreras beaucoup de petits-pompiers de Prisca, comme toi. Nombreux sont des étudiants, comme toi. Tous sont de vieilles carcasses avec qui Prisca a fini et qu’elle a reléguées au garage, comme tu le seras bientôt. Ne te fais donc pas d’illusion. Je resterai toujours le favori indétrônable de Prisca. Tu as donc intérêt à ne pas faire le malin avec moi ou ton séjour risque de s’écourter ici.
J’avais du mal à croire à ce que racontait cet hurluberlu. J’avais moi-même du mal à croire tout ce que je vivais et voyais. Etait-ce possible pareil cinéma, dans ce pays ?
J’étais tellement bouleversé que je voyais en tout jeune gens que je rencontrais dans les couloirs de cette entreprise, un amant de Prisca. Au fur et à mesure que la journée s’écoulait, le dégoût et la nausée s’emparaient de moi.
Quand je pensais à madame Prisca, mon ventre se serrait. Je ne terminai pas la journée. Je me dis que je ne supporterai plus d’être en présence de Prisca.
Je désertai les lieux dès que j’en eu l’occasion. Je me refugiai chez Soulby. Je lui expliquai ce que j’avais vécu.
- Mais, s’exclama Soulby, pourquoi te comportes-tu comme une fille ? Qu’elle couche avec tous ces jeunes gens, où est ton problème ? Il suffit qu’elle te donne le blé et que tu sortes de cette chienne de vie d’étudiant pauvre ! Ne me sors surtout pas des idioties du genre « je préfère vivre digne dans la pauvreté qu’humilié dans la richesse » ! C’est bon pour décorer les livres et noircir les pages d’un journal !
- Soulby, je ne veux pas !
- Mais que tu es bête ! Tu t’imagines ! Directeur général d’une boîte aussi grosse qu’African marketting ! Même un idiot accepterait !
- Soulby, je ne peux pas ! N’insiste pas !
- Ah, pourquoi de telles aventures ne m’arrivent pas à moi ?
On frappa à la porte.
Soulby se leva et sortit. J’entendis dehors cette phrase prononcée par une voix gutturale et froide qui me glaça la colonne vertébrale :
- Nous cherchons un certain Geoffroy. Il paraît que vous êtes son ami.
A suivre…
ZOURE