38 - Pataarpanga petit pompier
L’instant d’après, l’ami de Patrik bondissait dehors, comme un rat de son terrier, son « occase » emmitouflé dans une volée de draps sur ses talons. Soit dit en passant encore, sa culotte n’avait plus de pare-choc… Comme on dit, il y a choc et choc !
Photo : www.concours-pompier.fr
Toute la cité universitaire n’avait plus que ce mot à la bouche. Les seaux, les gobelets et les cuillers d’eau volaient partout, mais sans savoir exactement où était ce « maudit feu ».
Quelques palabres plus loin, on entendit le bruit de la sirène des pompiers. En un clin d’œil, le feu a été circonscrit. Mais Patrik était inconsolable.
Sa chambre fumait comme le bout du pistolet de Lucky Luke après un coup de feu qui a désarmé les quatre Dalton d’un coup. Il n’y avait plus rien à l’intérieur. Enfin, tout était noir et calciné. Furieux, il attrapa les cols…euh, le cou de son ami (qui n’était toujours vêtu que de sa culotte).
La « go » avait filé à l’anglaise.
Patrik s’attrapa la tête et s’assit à même le sol.
Un lourd silence s’abattit sur l’assistance. Soudain, Patrik se mit à sangloter. D’abord surpris, l’environnement se réveilla. Ce fut d’abord les filles, qui s’abattirent sur le pleureur comme un essaim d’abeilles et le couvrit du nectar de leurs consolations.
Ensuite, ce fut le tour des garçons. Une chambre, un lit, des tickets de RU, des chemises, des pantalons, des chaussures, des cours furent en un clin d’œil mis à la disposition du sinistré. La légendaire solidarité estudiantine venait de démontrer qu’elle avait encore de beaux jours devant elle.
Patrik le pleureur devint aussitôt Patrik le rieur et nous pûmes, Soulby et moi, rentrer chacun chez lui.
Le lendemain, il m’accompagna au campus afin de me soutenir pour que je puisse soutenir le poids que les résultats de la seconde session allaient faire peser sur mes épaules.
Mais le poids ne fut pas lourd à porter car le jury a unanimement décidé de me déclarer admis à continuer dans la galère du campus, en me collant une mention « passable ». On sauta de joie. Juste pour faire comme les autres. Mais dans le cœur, on se disait que le plus dur ne faisait que commencer.
D’ailleurs, je n’eus pas de congés. Les résultats de la seconde session ont été proclamés trois jours après le début des cours de l’année suivante. Je sortais donc du « boilo » pour aussitôt y plonger. Place n’a donc pas été faite pour la fête.
Les mois s’égrenèrent. Je devenais de moins en moins « gaou » et Soulby me traitait de plus en plus comme un égal.
Mais le FONER montrait de plus en plus ses limites. Je n’arrivais franchement plus à joindre les deux bouts. J’étais 7 jours sur six dans la galère.
Un soir, je me promenais dans un des quartiers de Ouagadougou. Je ne sus d’ailleurs comment j’y suis arrivé. Quoi qu’il en soit, j’étais dans ce quartier et je me promenais, ressassant dans ma tête ma chienne de vie d’étudiant pauvre né de parents pauvres nés eux aussi de parents pauvres.
Je ne remarquai donc pas la voiture qui s’était mise à rouler à la même allure que moi. Je ne fis attention au luxueux bolide que lorsqu’il me lança un bref et discret coup de klaxon. Surpris, je levai la tête et stoppai.
Le véhicule en fit de même. Je pensai un instant à prendre mes jambes au cou. J’avais vu trop de films où les gens étaient gentiment kidnappés de cette manière.
Mais le visage qui apparut au fur et à mesure que la vitre se baissait aussi lentement qu’une caresse de vent me dissuada de tourner les talons. Le visage d’une maman. Une maman bien conservée, avec un visage qui sent le climatiseur et la cuisine européenne, mais une maman quand même. Sandrine, ma copine, l’appellerait volontiers grand-mère.
Je m’approchai, un pied devant, l’autre derrière. On ne sait jamais.
Je fis un bond en arrière.
ZOURE