Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

29- La locataire délocalisée

Chacun de nous deux rentra chez lui.  Cette nuit-là, je ne dormis pas. Comment faire pour atteindre en vie l’arlésienne du « jusqu’à nouvel avis » du gouvernement ? Je n’avais plus un rond. Que faire, bon Dieu  que faire ? Le bailleur viendra bientôt tambouriner à nos portes. Mais en ce qui le concerne,  je savais ce qu’il fallait faire : le chat et la souris jouent un jeu un très intéressant que je me ferais un devoir de jouer avec mon bailleur.

Il restait maintenant le manger, le boire (l’eau, bien entendu !) et le savon de la douche. C’est là  que tout allait commencer à grincer. Que faire ? Je mis à contribution mon imagination et mes  méninges qui finirent par me convaincre de laver des voitures. Pourquoi pas ?

C’est sur cette perspective assez rassurante et réconfortante que je plongeai dans le monde des sommeils plats et sans rêve. Cependant, c’est un capot d’un gros camion que je lavais qui se rabattait sur ma tête qui me réveilla en sursaut. C’est bien entendu tout heureux que je bondis de mon lit en constatant que mon cou était intact et qu’il n’y avait que mon toit qui pouvait me tomber sur la tête.

J’entrepris d’aller partager mon idée  avec Soulby. Quand j’arrivai chez lui, je frappai. Une tête aux cheveux ébouriffés jaillit derrière le rideau, me faisant faire un pas en arrière.

- Que puis-je pour vous ? me demanda-t-elle avec une voix qui berça mon cœur.

Je me demandai si Soulby s’était offert les services d’un majordome femme (quelqu’un peut me dire comment on appelle ça en un mot ?). Mais l’absurdité de cette idée  me permit de lui demander :

- Soulby est-il là ?

- Oui, entre, mon cher ! Tu tombes à pic, brailla-t-il de l’intérieur.

J’entrai. Stupéfait. L’entré-couché de Soulby ressemblait à l’état d’un capharnaüm après qu’un tsunami ait dansé la  rumba avec lui.

- Qu’est-ce qui se passe, Soulby ? demandai-je  en regardant les sacs, les paniers, les pagnes et tous ces trucs  incongrus de femme que je voyais empilés partout dans la pièce. J’oubliais d’indiquer que trois autres demoiselles, pagne autour de la poitrine,  déambulaient dans le carré de mur.   

Soulby m’expliqua dehors.

- En fait, quand le gouvernement a ordonné la fermeture des cités, on a fichu les étudiants dehors. Celles-là en faisaient partie. Ce sont des amies de longue date et je me suis offert de les aider. Mais maintenant…euh…

Il se gratta la tête comme si celle-ci était envahie par une meute de poux.

- Je…dois dire que mes prévisions dépassent mes capacités ! Alors, je me suis demandé si tu ne pouvais pas dépanner deux de mes amies en les amenant chez toi.

- Il n’en est pas question ! décrétai-je.

Soulby poussa un soupir.

- Allez, voyons, tu flottes dans ta cabane ! Tu ne vas pas me dire que tu n’as pas de cœur ! Ces filles ne savent plus où aller. Si on ne les aide pas, Dieu seul sait à quoi elles vont être exposées !

- Mon cher ami, je compatis à leur douleur mais je ne peux pas promettre de pondre des œufs alors que je n’ai pas un derrière large !

- Ma foi, je ne savais pas que ton vocabulaire était aussi … coloré ! remarqua Soulby dans un sourire.

- Ce sont les circonstances qui l’exigent ! Et puis, avec quoi vais-je les nourrir ?

- Ne te préoccupe pas de ça ! Donne-leur un toit. Elles se chargeront de trouver à manger !

Je réfléchis un moment.

- D’accord, dis-je.

Soulby failli attraper le ciel.

- Mais je prends une seule seulement !

Soulby se dégonfla, mais il s’en contenta.

Mademoiselle mon « invitée » et moi nous retrouvâmes chez moi. Je m’empressai de lui en expliquer les règles.

- Tu ne t’habilleras pas en ma présence. Tu feras en sorte de mettre une tenue adéquate en ma présence. Tu mangeras à la sueur de ton front. Pas la peine de me remercier. Et tu plies bagage dès que le « nouvel avis » du gouvernement arrive.

Mon « invitée » ne contesta pas et acquiesça   à tous ces commandements.

Trois jours s’écoulèrent sans accroc. On dormait sur des nattes bien éloignées. On adoptait chacun des tenues bien « sages » et tout allait pour le mieux dans le meilleur des entrés-couchés ! Je commençai à rire de mes appréhensions premières.

La troisième nuit.

Je nageais dans un de mes rêves qui ressemblaient tellement à  des cauchemars quand je sentis une chaude et douce forme épouser mon dos. Enfin, un rêve digne d’être vécu !

Je me retournai et la forme se lova dans mes bras. Ce qui arrive généralement dans ce genre de cas commença. Mes mains  se mirent à jouer à Christophe Colomb,  se logeant dans la tête de rechercher et de découvrir des contrées sensuelles, lointaines et, si possible, inexplorées !

Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait un rêve si … délicieux que je m’enhardis. Ah, si seulement c’était la réalité !

Soudain, une douleur fulgurante naquit de mon épaule et se propagea dans tout mon corps. La forme m’avait mordu. J’ouvris les yeux. Pour me rendre compte que la forme, ce n’était pas un rêve.

Je reculai d’un bond.

- Mais viens là ! Où vas-tu ?

Elle se mit  à ma poursuite. Effaré, je détalai. Mais l’esprit embrumé et dans la pièce emplie d’obscurité, je ratai la porte…


A suivre…


A. ZOURE



06/06/2012
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