Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

20-Sandrine réapparait

Mort deux fois, ai-je complété car la charmante demoiselle qui était en face de moi n’était autre que… Sandrine (1). Je la regardais, la bouche ouverte tel un cratère de volcan.

- Hey, cesse de me regarder comme ça ! Ne touche pas à ma mère, sinon, tu auras affaire à moi et … à mon père !

Elle partit.

C’est malin, me sui-je dit. En plus d’avoir une fille que j’aimais de toute la fibre originelle de mon âme, voilà que ma « chérie » avait aussi un mari. C’est en broyant des pensées noires comme le grognement du diable que je retrouvai Soulby.

- Y  a quoi ? me demanda-t-il. Tu as vu le frère du diable on dirait !

- Sandrine.

Soulby s’était levé.

- Quoi ? Tu es toujours amoureux de cette fille après ce qu’elle t’a fait ? Elle t’a abandonné en plein midi de galère alors que tu avais besoin de son soutien !

- Ce n’est pas ça le plus grave, marmonnai-je.

- Quoi ? Qu’y a-t-il de plus grave et de plus mouton que de rester amoureux d’une fille qui vous a largué pour un mec plus « riche » ?

- Sandrine est la fille de ma « chérie ».

Soulby se rassit au ralenti.

- Cette femme est la mère de mon ex-copine !

- Ooooh, laisse tomber tes gros mots ! Reprit Soulby. Copine, copine ! Alors que tu n’as pas su à l’époque si son nombril est rond ou carré ! Laisse-moi te dire qu’il n’y a rien eu entre toi et cette fille ! Vous étiez juste camarades ! Voilà ! Donc, tu peux  faire la cour à  sa mère !

- Tu es sûr ?

- Aaah Pataar, je croyais que tu avais commencé à réfléchir ! C’est l’occasion pour toi de te venger de cette fille !

- La vengeance sait se retourner contre celui qui l’exerce !

- C’est où tu as avalé une bêtise pareille !

- Dans un film !

- Qu’est-ce que je disais : une bêtise parce que les films ne sont que des bêtises ! Par conséquent, je te dis de satisfaire les désirs de notre faiseuse de bonne fortune ! Au sens figuré comme au sens propre !

- Et son mari ?

- Vraiment, Pataar ! Est-ce que tu iras chez lui faire ça ?

- Faire quoi ?

- Tu le sais bien ! Tiens, elle t’appelle ! Vas-y !

Je me levai et rejoignis ma « chérie ». Je revins dix minutes plus tard les oreilles bourdonnantes de ce qu’elle m’avait dit. Les yeux de Soulby me lançaient des points d’interrogation.

- 20h ce soir à …, répondis-je.

- A ? demanda Soulby.

Je terminai la phrase dans le fond de son oreille.

- Ok ! C’est propre ! Tu iras !

- Hey ! fis-je.

- Tu as peur de quoi ? Pense plutôt à ce qu’on va gagner en retour.

Soulby finit par me convaincre. Disons, forcer.

20h. J’étais devant la porte de la chambre de passe. J’entrai. J’éteignis comme me l’a recommandé ma « chérie » et je  m’allongeai sur le lit. Un quart d’heure plus tard, la porte que j’avais laissée ouverte s’entrebâilla. Je  fermai les yeux. Les pas s’approchèrent du lit. Ma bouche s’ouvrit :

- Ch..ch..chérie, c’est toi ?

Je tremblais. Une douce main se posa sur mon bras et remonta jusqu’à ma joue et se mit à la caresser. Je cessai de trembler progressivement. Puis, un sourire naquit sur mes lèvres et s’épanouit comme une fleur.

- Tu as une douce main, tu sais ?

Je sentis sa respiration s’accélérer. Je continuai de sourire, jusqu’à ce que mon esprit fasse « stop », puis un feed-back rapide pour se repositionner sur « play » afin de relire la phrase que je venais de prononcer. Une projection se fit, présentant une main rugueuse me donnant la monnaie de 100 F CFA sur les 200 F CFA que j’avais donnés en paiement de mon premier plat de benga chez ma « chérie ».  Elle n’avais pas les mains douces à l’époque. Ni maintenant d’ailleurs. Mais alors, c’est qu…

- Je t’avais prévenu !

Je n’eus pas le temps d’analyser cette phrase qu’une lourde boule m’aplatit la nuque contre le matelas. Mille cloches de temples chinois tintèrent dans ma tête. Quand elles se calmèrent, c’est mon ventre qui reçut la visite de cette drôle de boule dure comme la tête d’une massue refroidie.

C’est alors que l’instinct de survie m’enseigna en un temps record, le  kung-fu. En roulant sur moi-même, je chutai au pied du lit. L’instant suivant, je mis les gaz à fond et démarrai comme une fusée V2 vers  le carré de lumière de la porte entrebâillée. Mais brusquement, au moment où j’allais passer, le rectangle de lumière disparut. Mes freins ne répondirent pas. Et ma tête eut ce qu’elle doit avoir dans pareilles circonstances : un choc fulgurant. Mais la porte s’était rouverte. J’écartai de la main les milliers d’étoiles filantes qui dansaient devant mes yeux qui voyaient à moitié et  réussis à filer. Je ne m’arrêtai que quand je fus loin de la pâtée de maisons de passe et que je fus certain qu’on ne me suivait pas.

J’étais en train de reprendre mon souffle quand les fameux retentirent derrière moi. Je détalai avant de freiner en entendant :

- Héy, arrête-toi ! C’est moi Soulby !

Je m’arrêtai. Il arriva à mon niveau. Il avait le sourire aux lèvres, entre deux halètements.

- Mon vieux, dit-il, tes ancêtres ont signé un pacte avec les lièvres ou quoi ? Tu battrais Haïlé Guébré lui-m…

Je me retournai pour voir ce qui avait si brusquement arrêté ce début de discours. Mon cœur fit deux entrechats. Une montagne de muscles me dominait.

A suivre…

Abdou ZOURE



22/06/2011
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