Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

10-COMPARAISON N'A PAS RAISON

Le petit saligaud venait de me lancer sa règle en plein dans ma figure ! Je le regardai, ne sachant s’il fallait agrafer cette langue qu’il me tirait à l’une de ses oreilles ou lui tirer les fesses que je n’arrivait pas à localiser. Je décidai de plier bagage et me dis qu’être maître de maison, ça ne me réussirait pas, avec ces enfants d’aujourd’hui, « hyper-super-mega-intelligents » ou d’une imbécillité et d’une impolitesse à effrayer le plus diable des diables de l’enfer diabolique.

 

Je rentrai chez moi. En cours de route, je vis un spectacle incroyable. Un jeune homme, juché sur ses jarrets, maniait avec une dextérité digne d’un acrobate de cirque, dans une main une brosse à chaussures et dans l’autre, un soulier. Il s’employait à le faire luire. Il y réussit quelques instants plus tard, à la grande joie du propriétaire qui lui balança une pièce de 500 F CFA en disant, (ô miracle !), « garde la monnaie ! ». Cela me fit rêver. Si je recevais à la face ce « garde la monnaie » cinq fois en une journée et ainsi pendant un mois, je pourrai assurer mes photocopies, mon RU, mon loyer et mes savons (à laver et à se laver) sans problème. Je pourrai même me passer du FO-NER !

 

Je me constituai donc automatiquement apprenti-cireur. Je me proposai au bonhomme qui n’a pas le quart de mon âge. Il me dit de le suivre. Je le suivit. Toute la journée. Mais sans entendre « cirez-moi ces chaussures », encore moins « garde la monnaie » ! Mon gros enthousiasme commença à perdre quelques kilos. Encore plus, lorsque mon maître me dit : 

-Tiens, ce matin, quelqu’un m’a dit « Garde la monnaie ! »

- Et alors ? Dis-je.

- Depuis trois ans que je fais ce boulot, c’est la toute première fois que ça m’arrive !

Trois ans !!!! Mon enthousiasme perdit sa bedaine. Le soir vers  16h, un homme nous appela.

- Venez ici, petits chenapans. Cirez-moi ces godasses !

Il les enleva, ces godasses. Nom d’une senteur ! Ma parole, elle ferait l’affaire des braconniers ! Car, je vous jure, l’odeur de cette chaussure est capable d’assommer un mâle éléphant adulte à 100 mètres ! Je fis donc, comme tout être normal, un pas en arrière.

Mon maître  approcha ces aphrodisiaques chaussures de moi :

- Tiens, pour ta première leçon !

Je pris mes jambes à mon cou.  Je retrouvai ma cabane. Et je suis toujours au point mort. Je fouillai toutes mes poches, toutes mes banques (à savoir, les trous de souris dans le mur, les trous dans le sol et les trous dans les trous du matelas). Bilan : 1 000 francs. Je pris mes mains entre mes joues …euh … Bref. Quelques heures de soupir plus tard, Soulby entre dans ma cabane. Il avait l’air de quelqu’un qui vient d’apprendre que son père est mort sans lui laisser un seul sou. Il dit :

- Pataar, le FONER est tombé !

- Quand ?

- Depuis une semaine.

- Quoi ? Et je passe quand ?

- Aujourd’hui matin à 9h !

- Quoi ? Mais …il est 21h !

- Je sais !

- Mais je suis foutu !

- Tu l’étais déjà !

Il commença à pleuvoir dans ma chambre. Les nuages, mes yeux !

Puis, coup de tonnerre :

- Ah ! Ah ! Cesse tes larmes de gros lézard du 1er siècle avant que Dieu ne pense à Jésus Christ. Tu passes demain au FONER à 9h !

La sécheresse s’abattit soudain dans ma cabane. Changements climatiques obligent ! J’embrassai Soulby. Je dansai  toutes les figures de la géométrie. Je me croyais déjà millionnaire.

Le lendemain, j’entrepris ma deuxième drague. Je ne vous l’avais pas dit, mais un coup de tonnerre s’est abattu sur moi quand mes yeux sont tombés pour la première fois sur Sabine. Sa silhouette d’élève de Terminale m’a électrisé pendant que sa tenue sexy de lycéenne d’écoles pour fils à papa, chemise échancrée sur mini jupe fendue de côté, m’a hypnotisé. Je la regardait tous les jours me narguer comme un poisson dans l’eau parce que mon hameçon et ma canne à pêche n’étaient pas encore prêts. C’est-à-dire, mon FO-NER.

Maintenant, j’ai les armes de la conquête. Et je vais attaquer, dès aujourd’hui même. On m’a dit que les filles de Ouaga adorent l’argent. Et qu’elles aiment tous ceux qui ont l’argent. Et surtout les jeunes fonctionnaires. Parce qu’ils ont un salaire. C’est vrai, je ne suis pas un fonctionnaire. Mais j’ai le FO-NER qui me fait ressembler à un fonctionnaire. Dès que je pris « mon salaire » (50 000 F CFA) le lendemain au FO-NER, je passai en coup de vent dans une boutique de fringues et de parfum (en laissant 10 000 F CFA) et me voici au bord de la voie qu’emprunte chaque jour Sabine pour rentrer chez elle. Tout ça, sans rien dire à Soulby.

Mais ce jour-là, ça n’a pas marché : Sabine est passée en flèche devant moi. Je n’ai même pas eu le temps de lui dire « hep » ni les moyens de la poursuivre pour lui dire « attend un instant ! ». Raison : Elle roulait sur une Méga-Rapide-Moto. Comparée à mon Ultra-Vieux-Lent-Vélo, y avait pas match. Pas grave. Celui qui n’est pas grand, monte sur son âne pendant qu’il est encore couché. J’ai copié ce verbiage sur le sommet du Mt Boulgou.

Le surlendemain, j’étais maintenant devant l’école de Sabine. Dès qu’elle sortit  à midi, je me pointai devant elle. Je pensai qu’elle allait rire de moi. Mais apparemment, ma mise de fonctionnaire et mon parfum « griffé » ont dû la subjuguer. Ce fut vite fait ! Je pris son numéro et rendez-vous le même soir. Je pris le soin de la laisser partir avant moi. Pas besoin qu’elle sache sur quoi se posent mes fesses lors de mes déplacements. Ce qui fit que je fus le premier au lieu de rendez-vous.

Elle est venue. Nous nous sommes assis, dans un de ces « maquis » où on ne fait la guerre qu’aux poulets, aux moutons, aux porcs et aux bouteilles de bière bien glacées. J’étais assis, poitrine bombée et ventre rentré, sur deux beaux billets de 10 000 F CFA bien coincés sous une de mes fesses. Je lui tendis un cadeau (un flacon de parfum bien emballé). Elle le fit disparaître dans son sac pendant que le serveur s’approchait de notre table.

Place aux emmerdes…euh, aux commandes. Sabine parla (au moment où j’ouvrais la bouche pour lui demander : « Qu’est-ce que tu prends, chérie ? ») :

- Un poulet télévisé, un poulet tendre au « rabilé », deux cuisses de mouton découpées en menus morceaux, un groin de porc, deux poissons braisés à la mayonnaise.

- C’est tout ? Dit le sata… serveur.

- Non, bien-sûr ! Ajoutez une bouteille de champagne bien pétillant ! N’est-ce pas, chéri ?

- Hum ? … ?

 

A suivre…

 

ZOURE



26/10/2010
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