Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

Sidéen à 14 ans

C’est avec une fille,  de 13 ans mon aînée, que je découvris pour la première fois qu’un garçon et une fille peuvent jouer à autre chose qu’à la marelle. Il faut dire que je le devinais ou le soupçonnais déjà à travers les journaux pornographiques que mon père cachait dans sa valise. Je les ai découverts le jour où il m’a envoyé chercher ses chaussettes. J’avais douze ans alors. Lorsque mon père n’était pas là ou lorsque tout le monde était assez loin pour ne pas prêter attention à moi, j’aimais jouer à fouiller le fond de cette valise.

 

Plus tard, je découvris, avec des camarades, que je pouvais délaisser la vieille valise de papa pour les écrans d’ordinateurs. Principalement dans les cybercafés. Pour 100 francs, moi et mes copains s’offraient une demi-heure de diableries. Avec le clin d’œil coquin et complice du gérant. Ce n’est pas lui qui se plaindrait.

 

Depuis lors, mes regards ne lâchaient plus la poitrine des filles ainsi que leurs jupes, me demandant quand est-ce que je pourrais essayer ces saute-mouton d’un autre genre que s’escrimaient à faire ces gens sur mes écrans d’ordinateurs. Mais je n’avais que 13 ans et je me disais qu’aucune fille ne serait assez bête pour m’adresser, ne serait-ce qu’un regard.

 

J’étais donc malheureux. C’est à ce moment que j’ai commencé à  sentir des changements en moi. Je me sentais bizarre. J’eus l’idée de me confier à mon père. Un jour, alors qu’il lisait son journal seul dans le salon, j’arrivai et demandai :

 

- Papa, pourquoi est-ce que mon truc devient parfois dur, que j’ai envie d’uriner mais que l’urine ne vient pas ?

 

Mon père baissa son journal et me dit :

 

- C’est parce que tu es devenu un homme !

- ???????

- Quoi ? Tu attends quoi ?

- Ça veut dire quoi devenir un homme ?

- Ça veut dire que tu es devenu un homme !

 

Je sortis du salon, déçu. Me voici maintenant en zone inconnue, naviguant sur un océan sans limites, sans boussole ni compas. Je vais donc à l’aventure. Voilà pourquoi je me mis à dévorer les cybercafés, à causer avec des camarades sur ce sujet. Les imbéciles bombaient la poitrine et péroraient en véritables maîtres aguerris en la matière alors qu’ils n’étaient pas plus avancés que moi.

 

Mais c’est bien plus tard que j’ai  su qu’ils racontaient des histoires. Il y en avait un, Martin, avec sa grande gueule, qui disait par exemple que si un garçon ne couchait pas avec une fille, le liquide qui se trouvait …euh … C’est où encore là ? Voilà, là-bas ! Si ce liquide là durait trop, il finirait par se coaguler et on pourrait, hop ! couper le zizi !

 

Moi, cela m’a donné des sueurs froides pendant des journées entières ! Sans zizi, je fais comment pour pisser ? Un autre disait qu’un garçon finirait par tomber gravement malade s’il ne couchait pas avec une fille. Vraiment, cela me mettait mal à l’aise, moi qui n’arrivais même pas à dire couic à une fille.

 

Puis, lors de ma 13e année et demi, je connus Sergine. Elle était de 13 ans ma grande sœur, ai-je déjà dit. Elle est venue habiter en face de notre concession avec ses parents. Sergine était une fille assez grosse, avec de gros seins, de gros yeux, de grosses lèvres et des cuisses grosses et grosses. Vraiment, elle me faisait peur. Mais la jeune fille aimait venir chez nous.

 

Un après-midi, elle me trouva seul à la maison. Mes parents étaient sortis pour aller rendre visite à  je  ne sais plus quels parents de leurs parents issus de leur parenté kilométrique. Mes frères et sœurs, eux, devraient être allés à l’école. Moi, en classe de 5e, je n’avais aucun cours ce soir-là. J’étais donc dans la chambre de mon père en train de fouiller sa fameuse valise.

 

Sergine entra dans le salon et  appela. J’étais dans l’embarras. Je ne l’avais pas entendue entrer et j’étais dans tous mes états, le pantalon pointu par le devant. Vite, cachez ça avant de me montrer ! Dans ma précipitation, la valise dégringola et tomba sur  mes pieds. Je criai de douleur. Il n’en fallut pas plus pour que Sergine se retrouva dans la chambre de mon père.

 

Dès qu’elle me vit, elle me regarda d’un air étrange. Puis, sans ambages, elle se jeta sur moi. Et nous dansâmes un drôle de bal  qui me laissa, l’instant d’après,  aussi vierge qu’un mouchoir de clochard. Ceux qui ont de la suite dans les idées, diront que je suis devenu homme. Mais moi, après le départ de Sergine, je pleurai.

 

Mais je trouvai deux jours plus tard, l’expérience plaisante lorsque Sergine et moi dansèrent de nouveau ce slow bizarre dans sa chambre à elle, pendant que ses parents étaient absents. Je pris goût à la chose et je passais moins de temps dans les cybercafés. La pratique vaut mieux que la théorie.

 

Mais bientôt, j’eus marre de la grosse Sergine. Martin m’informa que je peux varier le menu avec 5 00 F CFA seulement. Il me montra où, quand et comment : un quartier sombre, évidemment la nuit et avec des filles de joie. Il m’expliqua ceci :

 

- Dès que tu arriveras, prend une main au hasard et entre dans une des maisons. La fille te demandera « avec ou sans couvertire ». Tu diras, « sans couvertire ». « 5 00 francs. Tu d’accord ? » Tu diras oui. Et, amuse-toi !

 

Il ricana. Je partis donc vers le quartier en question. En cours de route, je ne pus m’empêcher de me demander à quoi correspondait ce « avec ou sans couvertire ». C’est vrai que je préférais ne pas me couvrir parce qu’il faisait très chaud.

 

Après avoir pris une main au hasard, j’ai donc dit « sans couvertire ». Mais un doute m’a brutalement saisi et je me suis rappelé ces visites de bonhommes et de bonnes dames dans notre lycée et qui nous disaient de porter ces caoutchoucs et que ça nous protégerait du Sida. Mais Martin m’avait dit qu’avec ces machins, c’est manger une banane avec sa peau. Ce qui est évidemment ridicule.

 

Je balayai donc ce souci de ma tête et je… Depuis ce jour, je fus fréquent dans ce quartier-là. Au total, six bons mois. Et toujours, « sans couvertire ».

 

Un jour, on nous dit en classe, opération « don de sang pour sauver des vies humaines. » Si c’est pour sauver des vies humaines, je donnerai tout mon sang s’il le faut. Je tendis donc mon bras et pris plus tard le gros morceau de sandwich et la bouteille de boisson gazeuse.

 

Mais quelques heures plus tard, on me manda auprès de la grosse camionnette des preneurs de sang. J’entrai. Le monsieur à la blouse blanche me fit assoir et me demanda si je pouvais le conduire chez mes parents. Pas de problème. On trouva papa et maman à la maison. Le premier démarrait sa moto pour sortir et la seconde prenait son vélo pour sûrement le marché.  A la vue de mon accompagnateur, ils rentrèrent au salon. On me dit de rester dehors.

 

Quelques heures plus tard, on me rappela. Ils avaient tous l’air grave et ma mère pleurait. L’infirmier me dit :

 

- As-tu déjà entendu parler du Sida ?

- Oui, il paraît que c’est une maladie qui rend les gens maigres comme du bois et finit par les tuer.

- Et tu sais comment on l’attrape ?

 

Je regardai mes parents d’un air gêné. L’infirmier m’encouragea du regard :

 

- Hé bien, il paraît qu’on l’attrape en couchant avec des filles maigres.

 

Ma mère éclata en sanglots. Mon père baissa la tête en la secouant. L’infirmier demanda doucement :

 

- Peux-tu me dire encore ton âge  ?

- 14 ans.

- Bien. As-tu déjà couché avec une fille ?

 

Je jetai un regard furtif à mes parents.

 

- Oui.

- Beaucoup ?

- Oui.

 

Ma mère s’effondra. Mon père la releva.

 

- Mettais-tu la capote ?

- Non, bien entendu ! Je n’aime pas manger la banane avec la peau !

 

Le silence s’abattit dans le salon.

 

- Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi me posez-vous toutes ces questions ?

 

Puis, je compris.

 

- J’ai le Sida, c’est ça ? Dites-le, monsieur ! Je vais devenir maigre comme du bois ?

- Non. Mais tu n’étais pas très loin…

 

Abdou ZOURE

 

zourabdou6@yahoo.fr



03/01/2011
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