Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

Les poches du nouvel an


 

Et je me remémore  la soirée d’hier et de celle d’avant-hier. Je me démenais,  je tournais comme un beau diable autour de la ravissante demoiselle ! Avec les potes.

 

Dans ces maquis. Et pas n’importe lesquels. Quatre filles en deux jours ! Ce n’est pas un record mais j’en connais qui ne  pourraient pas faire  mieux ! Cette année, je me suis vraiment surpassé.

 

Mais  il fallait que je sois à la hauteur des règles de mon groupe : Pour faire partie de la bande et mériter le respect de tous les  membres,  il fallait sortir au minimum avec trois filles. Le chef de la bande  a  pu le faire avec six. On n’est pas chef  pour rien !


Mais moi j’ai fait je que j’ai pu ! Deux la veille et deux le lendemain. Je ne dirai pas comment je m’y suis pris car ce serait enfreindre une autre règle du groupe. Et puis, il y a  de  petits malins qui tenteraient de me copier. Sans payer les droits d’auteurs !

 

Je reprends le fil de mon  histoire. La veille donc, nous fîmes le zim poum poum,  de même que le lendemain. Les vins capiteux, le champagne pétillant et les poulets (rôtis, bien entendu) nous tinrent compagnie et ne nous lâchèrent pas d’une semelle pendant ces deux jours de randonnée folle. On était jeunes ! On bouillait de vitalité ! Alors, vive la fête !


Les boissons coulaient donc à flot. Mais  j’oubliais  le contenu de ma poche qui se sauvait comme un voleur à qui on venait d’ouvrir les portes de sa prison. Il avait sans doute raison, le contenu de ma poche de galoper ainsi comme un lièvre, car il a été  emprisonné pendant 12 mois de dures et laborieuses… cotisations.

 

Car j’avais oublié de vous ouvrir mon curriculum vitae qui vous aurait indiqué que j’ai failli naître sur la paille d’une case dans un village, qui lui aussi a failli ne  pas être répertorié sur la carte officielle du Burkina. Après que mes parents aient eu la bonne idée de mettre à l’école, me voilà dans la classe de troisième dans un lycée que l’Etat a bien voulu construire pour moi.

 

Enfin, pour nous car je ne suis pas seul dans ce beau Burkina ! Je  n’ai pas regardé tout ce glorieux passé et non plus  l’épée de Damoclès,  luisant des éclats du BEPC, qui plane sur mon crâne. Je n’ai pas eu d’yeux pour mon petit frère avec qui je partage un « voilà moi » (entrer coucher) dans un non-loti.

 

 Je me suis mis à suivre les  beaux enfants de monsieur le directeur général de…, de madame le ministre de… Et ce qui devrait arriver arriva.  Si on daigna me donner le petit derrière d’une moto et parfois le guidon, le contenu de ma poche, lui,  il fallait que je me débrouille pour  le faire grossir. Et voilà que SMS, lettres prirent très souvent la route du village pour me rapporter des billets de banque qui ont oublié l’odeur de la BCEAO et qui sentent à plein poumon la terre torturée, pressée, scarifiée par la daba.

 

Mais les maquis et les vendeurs de poulets et de crèmes glacées n’avaient plus de narine quand il s’agissait de l’argent.


La veille et le lendemain furent donc torrides ! Mais le surlendemain, c’est-à-dire aujourd’hui, est plus torride qu’un bain de soleil forcé au milieu du sahara. Mon réveil fut orné par   une succession de SMS qui tombèrent sur mon portable comme des criquets qui ont eu l’idée d’aller en pèlerinage. Le premier disait ceci : « salut mon chéri ! Comment se passe ton réveil ? Je te remercie pour cette soirée torride et  la nuit non moins torride qui a suivi (rires). Je suis parti très tôt ce matin pour que mes parents ne remarquent pas mon absence. 

 

Doux baiser comme mon nom. Rose. » Recevoir  pareil message en plein réveil ne peut que vous faire pousser un « hum » de contentement ! Je m’apprêtais donc à replonger dans mes draps quand un autre message fit crier mon cellulaire: “ Salut djo ! Il paraît qu’à la rentrée, ceux qui n’étaient pas à jour de leurs frais de scolarité seront renvoyés. Comme tu faisais partie du lot, voilà pourquoi… »

 

Là, mes yeux s’ouvrirent totalement. Je fonce vers mon pantalon. Les poches. Ma main en  ressortit, après une enquête digne de Sherlock Holmes, avec quatre pièces de 50 francs ! 

 

Mon portable sonne encore. « Salut mon chéri ! Mes meilleurs vœux de nouvel an! Mais pourquoi tu m’as oubliée pendant ces deux  jours ? Ce n’est pas gentil !

 

Mais je voulais surtout t’annoncer une bonne nouvelle ! Cela fait trois mois que je n’ai pas vu mes règles… ».

 

Je regardais stupidement le portable qui  protesta en me lançant un autre message à la figure. « Ah djo, j’avais oublié deux choses : le délai de dépôt des dossiers du BEPC c’est  dans 10 jours. Comme tu es  candidat libre, il faut faire vite. Et puis, mes meilleurs voeux… »

 

Je me mis alors à composer un SMS destiné à décoller sans délai vers le village. Pour chercher du secours.  Mais un bœing 747 atterrit avant lui, en provenance du même village:  «  Ton père est gravement malade. On craint le pire… »

 

 

Par Abdou ZOURE



17/10/2010
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