Les Nouvelles de Zouré

Les Nouvelles de Zouré

Fin d'année sans fin de galère

 

31 décembre, 1er janvier ! Quel programme !

 

A cinq jours de ces jours qui promettent toujours d'être mouvementés, je ne savais toujours pas que faire. J'ai eu l'idée d'avoir une copine et je l'ai eue. Il fallait que j'assume.

 

Le FONER n'est plus qu'une ligne d'horizon. Pourtant, je suis dans la phase balbutiante de ma stratégie d'approche avec Bintou. Il faut que j'assure. J'enfile donc la tenue du chasseur de crédit, pris ma bicyclette qui branlait de la tête comme un vieil homme dans les cimes de l'âge. Je frappai. Trois portes de camarades qui ont l'habitude de me dépanner lorsque je suis en panne.

 

Ce qui est courant. Mais sans réponse. Ils avaient élaboré, voté et clos leur budget.  La mort dans l'âme, me voilà devant le portail de Madou le boutiquier. Je frappai. Dix minutes. Le portail s'ouvrit enfin. Madou sortit en boubou, une bouilloire dans une main, un chapelet dans l'autre. Ses joues glougloutaient, se gonflant et se dégonflant telles les soufflets d'un forgeron.


Je fis mon plaidoyer. Madou m'écouta, ses joues glougloutant, un oeil à moitié fermé, l'autre ouvert. Brusquement, un filet naquit de la bouche du boutiquier et atterrit à dix centimètres de mes pieds. Je fis un bond de côté.


- Reviens à la fin du mois surprochain. Mes clients ont pris beaucoup de crédit pour le tranti ien !


Le portail claqua. Bruyamment. J'entrepris alors d'aller voir un parent. C'est l'oncle de la soeur du frère du cousin de la cousine de mon père. Je tournai le pneu avant de mon vélo vers cette destination. En cours de route, je fus arrêté par un feu tricolore.

 

Des vendeurs de cartes de recharges téléphoniques, après avoir vainement essayé de fourrer leurs bâtons chargés de cartes dans la bouche des usagers amorphes, ils se replièrent et commencèrent à bavarder. Mes oreilles apprirent alors que des bandits, à cause du 31, ont forcé un car conduit par un élève  qui, à cause du 31, s'était fait chauffeur, à s'arrêter afin de dépouiller les passagers qui voyageaient pour aller fêter le 31 et dont les poches contenaient des billets de banques économisés pour le ... 31 décembre ! Le feu passa au vert. Je m'en allai. C'est alors que mon esprit décida de projeter le film du ravissant visage de Bintou sur l'écran de ma pensée. Le film commença par un zoom sur les yeux d'un blanc lunaire englobant des ronds-points d'ébène.

 

La caméra glissa sur un nez délicat pour échouer et rester prisonnière des lèvres. Douces, sensuelles, qui s'envolèrent légèrement par les ailes d'un sourire moqueur pour découvrir un éclair de blancheur lactée. L'oeil mécanique continua son chemin sur l'étendue doucereuse de la peau d'un cou gracile, tendre.

 

Descente lente et lascive vers une douce poitrine aux... Brutalement, la fin de mon enivrant film prit les traits rugueux et autrement désagréables d'un strident coup de sifflet. J'ouvris les yeux... en fait, ils ne s'étaient jamais fermés ! Pour voir  un agent de police,  le visage sévère et rieur à la fois, qui se précipitait sur moi. Je freinai. A l'aide de mes semelles.


- Tu n'as pas vu le feu rouge ou tu as les yeux derrière la nuque ? dit-il.

Ma main voyagea instinctivement vers ma nuque. Ne trouvant rien qu'un os dur couvert de cheveux crépus, je me retournai: une rangée de roues me faisaient face, gentiment rangées au feu tricolore que je venais de brûler...sans allumettes. Automatiquement, je devins un  mendiant.


- Pardon, chef ! Pitié pour un pauvre étudiant qui pensaient à ses problèmes et qui n'a pas vu le feu à temps, psalmodies-je.

- Descends du vélo ! Tout le monde a des problèmes ! Tu crois que quoi ?


Je descendis.


- Confisqué ! Passe au commissariat plus tard avec 5 000 F CFA !


Il ne se préoccupa plus de moi et fixa de nouveau... son feu. Je jurai sur le crâne  de mes ancêtres, mélangeai le pardon de Jésus aux doa de Mohamed pour aboutir sur le nom de Dieu que je brandis devant le visage du policier, croyant lui faire peur. Que dalle. Je m'approchai de lui. Plus près. Un observateur lointain croirait que je voulais lui donner un baiser.


- Chef, on peut s'arranger ! Dis-je.


L'agent sursauta, se retourna brusquement vers moi et me regarda comme s'il avait tout à coup le vrai jumeau de satan devant lui.


- Quoi ? Pas de frein, infraction au code de la route et tentative de corruption ? Ah, ah ! Tu sais ce qui t'attend ?

- Ah, chef ! Il ne faut pas utiliser de gros mots! Qui vous parle de corruption ? C'est une histoire entre un petit frère et son koro ! Est-ce que y a corruption en famille ?


L'agent se retourna et fixa le feu tricolore. Une minute. Deux. Trois.


-Tu as combien ?

- Deux cent francs !

- Hé ! Tu me prends pour un nez percé ou bien ?

- Mais je vous ai dit que je suis étudiant. Deux cent francs, ça fait deux plats de RU ça ! Donc, c'est beaucoup... Hé, regardez ! Quelqu'un a brûlé le feu !


L'agent se retourna  et vit en effet le délinquant. Deux coups de sifflet !  Et moi, quatre coups de pédales. J'étais déjà à deux cent  mètres de là.

 

Mais il y avait un autre feu tricolore. Mais éteint, celui-là. Pas un seul policier en vue. Mais beaucoup de Klaxons et d'injures. Je me retournai, tout en pédalant, pour voir mon koro.

 

Lui, son feu, est toujours vivant et il venait de prendre encore trois autres personnes, qui, soit étaient trop pressées soit avaient, comme moi, la tête dans les nuages de la planète Jupiter.

 

Enfin, s'il y en a !

 

Je souris et secouai la tête. Coup de klaxon. Je tourne la tête. Le gros  museau d'un 4X4  qui  accourt joyeusement et rapidement sur moi pour  claquer les bisous du nouvel an sur le front. Je voulus lui dire d'attendre cinq jours. Hélas ... crac ...

 

Par Abdou ZOURE



17/10/2010
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